Lire «Le Journal d’Anne Frank» à 15, 30 ou 45 ans, c’est lire chaque fois un livre différent

Il est des livres qu’il faut redécouvrir tous les quinze ans.
Quand j’ai rencontré Anne, nous avions le même âge, 14 ans. Elle m’a laissé lire son journal intime; elle avait pour ambition de le remanier pour qu’il soit publié un jour. Anne était pour moi ce que l’on appelait alors une correspondante, nous nous écrivions: elle me parlait sur le papier, et je lui répondais dans ma tête. Anne et moi avions le même type d’expériences fondamentales de l’adolescence: des relations compliquées à nos mères, une grande sœur qui prenait de la place, une passion pour les livres, un cœur qui ne demandait qu’à vibrer –bientôt un garçon qui deviendrait le centre de notre univers.
«Qui d’autre que moi lira un jour ces lettres? Qui d’autre que moi me consolera? Car j’ai souvent besoin de consolation, je manque si souvent de force et j’ai plus souvent de raisons d’être mécontente de moi que satisfaite. Je le sais et je ne renonce pas à essayer chaque jour de m’améliorer.»
Des jugements très affirmés, sur les autres et sur nous. Nos premières règles, cette étape cruciale et tant attendue, sont arrivées au même âge, et nous étions toutes deux contraintes de vivre avec des adultes encombrants (pour elle, physiquement prisonnière) et dans un corps qui devenait celui d’une autre, une autre qui allait …