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A la barre, les victimes racontent les traumatismes et Joël Le Scouarnec reconnaît les viols

A la barre, les victimes racontent les traumatismes et Joël Le Scouarnec reconnaît les viols
Publié le , mis à jour le

Vannes (AFP) - Dépression, idées suicidaires, vie et famille brisées: les premières des 299 victimes du pédocriminel Joël Le Scouarnec auditionnées par la cour criminelle du Morbihan ont expliqué jeudi l'impact des violences sexuelles infligées lorsqu'elles étaient enfants par l'ex-chirurgien, qui a pour la première fois reconnu avoir violé trois d'entre elles.

"J'espère que ça va clore toutes ces années de mal-être pour pouvoir enfin commencer à vivre", a lancé la première Orianne, violée "plusieurs fois" quand elle avait dix ans dans sa chambre d'hôpital.

"Ca fait 33 ans que j'attends ce moment", dit-elle courageusement: "Il a brisé ma vie et je veux qu'il m'entende."

Hospitalisée à la clinique de Loches (Indre-et-Loire) pour une appendicectomie, Orianne (elle a autorisé la presse à divulguer son prénom) explique comment le chirurgien, dès le premier jour, avait fait déplacer un patient qui partageait sa chambre afin qu'elle y reste seule, à sa merci.

Elle n'a que dix ans à l'époque mais sait qu'"on ne (mesure) pas la fièvre en insérant un doigt dans le vagin" et qu'"on n'écoute pas le coeur d'un malade en caressant longuement ses seins", souligne-t-elle par visioconférence.

Orianne décrit comment le médecin lui "a donné des gouttes" pour la faire dormir mais "je savais très bien ce qui allait se passer."

- "Ca me hante!" -

"Là je vais avoir 44 ans et depuis l’âge de 10 ans et demi ça me hante tous les jours." "J'avais la sensation de ne pas pouvoir bouger, ne pas pouvoir crier...Mais je sentais très bien ses mains partout sur moi", souffle la victime.

A son retour dans sa famille, elle tente de parler à ses parents "mais personne ne m'a crue, personne ne m'a comprise."

Sombrant dans la dépression, vers l'âge de 13 ans elle demande à voir un gynécologue qui constate la rupture de l'hymen.Mais "personne ne m'a jamais demandé si j'avais subi des sévices sexuels alors que je n'attendais que ça pour pouvoir en parler", répète celle dont la vie sentimentale et sexuelle reste encore à ce jour marquée par les traumatismes et les blocages provoqués par ces viols.

Depuis son box, le médecin âgé de 74 ans reste figé comme une statue de cire.

Un peu plus tard, pour la première fois depuis son interpellation en 2017 après une plainte pour le viol d'une voisine de six ans, il reconnaît les viols commis sur Orianne sous couvert d'actes médicaux.

Il lui demande "pardon" d'une voix brisée, renifle et semble produire quelques larmes.Puis reprend d'un ton égal: "Je n’ai gardé aucun souvenir de tout ça", soulignant n'avoir "aucune raison de mettre en doute tout ce qu’elle vient de dire".

Des excuses sincères ? "En tout cas, il y a des excuses et des aveux", estime Me Louise Aubret, l'une des avocates d'Orianne.

- Familles dévastées -

Une deuxième victime, âgée de 9 ans en 1991 lorsqu'elle est violée par le chirurgien à Loches, vient à son tour à la barre.Contrairement à Orianne, elle ne se souvient de rien et la cour s'en remet aux violences méticuleusement consignées par l'ex-chirurgien dans ses carnets.

"J'attends la vérité" pour pouvoir avancer, lâche cette victime.

L'accusé ne conteste pas les faits mais n'a là non plus pas de souvenirs."Je ne vais pas inventer ce que j'ai oublié", s'agace-t-il sur une question de la présidente.

C'est au tour de Virginie (son vrai prénom, avec son accord) de témoigner à la barre du choc subi lorsque les gendarmes lui annoncent en 2019 les sévices décrits par Joël Le Scouarnec dans ses carnets, et des souffrances que cela déclenchera chez elle.

La quadragénaire n'avait aucun souvenir des viols répétés infligés par l'accusé.Enjouée jusqu'alors, elle s'effondre, prend 25 kg et passe près de six mois en hôpital psychiatrique en raison de "pensées suicidaires". 

Son époux, partie civile en tant que victime indirecte, a ressenti le "besoin" d'être à ses côtés à la barre pour l'épauler mais aussi montrer à l'accusé "que les conséquences vont au-delà" des seuls enfants violentés et que "beaucoup de familles sont malheureuses".

"Je prends aujourd'hui la mesure des conséquences de ce que j'ai fait (...) c'était ignoble et immonde", assure Joël Le Scouarnec, qui reconnaît ces viols, "désolé".

La dernière victime auditionnée de la journée s'avance et décline son identité, comme un défi à l'accusé qu'elle dévisage dans son box.C'est la fille d'un collègue de l'ex-chirurgien, agressée lorsqu'elle avait 2 ans en 1989.

Comme Virginie, elle ne se souvenait de rien et "s'effondre" lorsqu'on lui apprend qu'elle figure dans les fameux carnets.

Elle est elle-même devenue chirurgien et dit se méfier maintenant de tous les individus masculins, dans sa vie privée ou professionnelle: "A chaque fois que j’opère un enfant j’y pense, à chaque fois!", lâche-t-elle. 

L'audition des victimes se poursuit vendredi.

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