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Début du procès des faux meubles XVIIIe acquis par le château de Versailles

Début du procès des faux meubles XVIIIe acquis par le château de Versailles
Publié le , mis à jour le

Pontoise (France) (AFP) - Le patrimoine et l'argent, beaucoup d'argent...Le procès de six personnes jugées en lien avec un trafic de fausses chaises du XVIIIe siècle, qui ont dupé jusqu'au château de Versailles, s'est ouvert mardi au tribunal de Pontoise.

À mille lieues des étincelantes dorures du château du Roi-Soleil, c'est sous les sombres boiseries modernes du tribunal correctionnel du Val-d'Oise que la justice a commencé cette plongée d'une semaine dans le microcosme feutré des antiquaires et des monuments historiques.

Six personnes, au premier rang desquelles l'expert référence du mobilier royal du XVIIIe et un menuisier meilleur ouvrier de France, ainsi qu'une prestigieuse galerie d'antiquaires comparaissent pour ce scandale qui a secoué ce petit milieu d'initiés, où les ventes se chiffrent en sommes à multiples zéros.

Une exceptionnelle paire de chaises garnies du salon de compagnie de Mme du Barry, dernière favorite de Louis XV, du maître menuisier Louis Delanois?Deux chaises issues du pavillon du Belvédère du petit Trianon de Marie-Antoinette dans le parc du château de Versailles et classées trésor national? Une bergère signée Jean-Baptiste Sené, illustre ébéniste du XVIIIe? Derrière ces raretés se cachait une supercherie de haut vol.

Revendus à prix d'or par des antiquaires au château de Versailles ou à des collectionneurs fortunés comme un héritier Hermès ou un prince du Qatar, ces chefs-d'œuvre de raffinement de l'art français se sont avérés être de parfaites copies.Le préjudice total est évalué à 4,5 millions d'euros.

Produite par l'expert de l'art Bill Pallot, auteur de l'ouvrage de référence mondial sur le mobilier français du XVIIIe, en association avec le sculpteur de renom Bruno Desnoues, la série de faux meubles a trompé entre 2008 et 2015 aussi bien les conservateurs que les galeries spécialisées.

Une communauté fermée que l'épouse de Bruno Desnoues a décrite lors de l'instruction comme "un milieu détestable, où les antiquaires veulent faire de l'argent à tout prix".

- Méandres de l'argent -

Pour le premier jour d'audience, le tribunal a commencé par la fin de l'histoire en se penchant sur le cas d'un couple de Portugais, un régisseur et une coiffeuse vivant dans le Val-d'Oise.C'est leur grand train de vie qui a attiré l'attention de Tracfin et entraîné fortuitement la révélation de cet incroyable trafic passé inaperçu depuis des années.

Les enquêteurs découvrent que le couple, qui ne déclare pas plus de 2.500 euros de revenus mensuels, dispose en réalité d'un patrimoine de 1,2 million d'euros.Outre son domicile dans le Val-d'Oise, il est propriétaire de plusieurs appartements au Portugal achetés en investissements locatifs.

En remontant le fil, le mari se révèle être l'homme à tout faire de galeries d'art parisiennes et être en cheville avec le sculpteur Bruno Desnoues du faubourg Saint-Antoine, quartier historique du travail du bois et de l'ébénisterie à Paris. 

Pour cet "ami de 30 ans", le régisseur effectue des ventes non déclarées d'objets d'art et blanchit sur ses propres comptes au Portugal l'argent des commissions des ventes de faux meubles, exfiltré d'urgence d'un compte suisse de Desnoues suite à un ultimatum de sa banque.

Se montrant ému aux larmes à la barre, le prévenu, poursuivi pour fraude fiscale, feint devant le tribunal l'ignorance des lois françaises et plaide à grands cris la naïveté.Sur les bancs de la défense, ses déclarations font sourire.

Le sculpteur estime que son interlocuteur s'est accaparé plusieurs centaines de milliers d'euros non déclarés, ne lui en rendant qu'une petite partie en espèce.

"J'ai fait une grosse erreur.C'est à mon nom uniquement, mais dans ma tête, c'est à lui!", soutient le régisseur de 63 ans, carreleur de formation introduit par hasard dans le monde des galeries en reprenant l'emploi d'un Portugais rentré au pays.

Quant à Bruno Desnoues, plus de 200.000 euros en liquide ont été découverts chez lui en perquisition."Je suis branché travail, sculpture.L'argent, ça ne m'a jamais passionné", assure-t-il. 

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