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Devant la justice, un Madoff alsacien assume être un "escroc"

Devant la justice, un Madoff alsacien assume être un "escroc"
Publié le , mis à jour le

Saverne (France) (AFP) - "Vous voyez un escroc à la barre, je l'assume": un Madoff alsacien, suspecté d'avoir abusé de la confiance de dizaines de personnes pour un préjudice de cinq millions d'euros, s'est attaché à montrer un visage repentant jeudi à Saverne (Bas-Rhin).

Laurent Raynaud, qui comparaît libre, est jugé devant le tribunal correctionnel de Saverne pour abus de confiance sur des dizaines de personnes, vivant un peu partout en France.

Pendant une dizaine d'années, il leur avait proposé de faire fructifier leurs économies via sa société d'investissement.

Mais en 2020 il leur avait écrit, avouant avoir abusé de leur confiance.

Les sommes qui lui étaient confiées étaient en fait en partie englouties dans son autre structure, une société de conseils (administratifs, financiers) pour personnes endeuillées, qui n'a jamais été rentable et a finalement été liquidée.

Ce stratagème, "je l'assume", a affirmé Laurent Raynaud, présentant ses excuses aux victimes, dont plusieurs personnes âgées présentes dans la salle d'audience.

- "Ego surdimensionné" -

Cet homme de 60 ans au casier judiciaire vierge et à la mise discrète l'a expliqué par son "espoir" de voir décoller sa société d'aide aux familles endeuillées.

"Je voulais absolument que cette entreprise fonctionne, au-delà de la raison", justifie M. Raynaud, mettant aussi en avant son "ego surdimensionné" et sa "psyché assez troublée"."La fraude est inscrite dans mon mental", estime-t-il, répétant avoir suivi une longue psychanalyse.

"Vous voyez un escroc à la barre, je l'assume, mais vous ne voyez pas seulement un escroc, je suis aussi un homme", a-t-il assuré d'une voix posée.

Selon les victimes, le préjudice dépasserait les cinq millions d'euros entre 2008 et 2020, "des montants qui donnent le vertige", souligne la présidente, Violette Pradarelli.Celle-ci précise que seuls 1,5 million d'euros ont été remboursés.

"Comment pendant dix ans on arrive à faire fonctionner un tel système alors que les deux sociétés faisaient l'objet de contrôles ?", s'interroge la présidente.

"J'avais cette capacité à sécuriser, à donner le change, à fournir les arguments qu'il fallait", explique M. Raynaud.

Mentionnant l'une de ses amies, présente dans la salle, il dit: "Comment aurait-elle pu douter un seul instant que j'aie pu lui mentir ? Elle avait confiance en moi".

"Il dit qu'il assume, mais assumer c'est rembourser.Je ne pense pas qu'il soit en mesure de rembourser", tacle cette dernière.

- "Tissé sa toile" -

Deux soeurs, Chantal et Sabine, racontent également comme leur vie a "basculé" lorsqu'elle ont découvert être victimes d'un escroc alors qu'elles pensaient avoir affaire à un homme "bienveillant, attentif et compréhensif", rencontré après le décès de leur mère survenu en 2006.

"Il a dilapidé l'argent que nos parents nous avaient transmis...Il nous a trahies pendant 12 ans", confie Chantal la voix brisée par l'émotion.

"Il a tissé sa toile comme une araignée pour mieux attraper les insectes qui lui donnaient de l'argent", décrit Sabine.

"Qu'avez-vous fait de votre âme monsieur Raynaud ?", lui lance une autre victime."Je tente de la réparer", répond il.

S'il a remboursé partiellement certaines victimes, d'autres n'ont jamais revu leurs économies.

"Qu'est ce que vous avez fait des cinq millions ?", l'interroge Bernard Boulloud, avocat de parties civiles.Il s'interroge aussi sur le rôle des experts comptables employés par les deux sociétés de M. Raynaud, qui ont été entendus comme témoins.

"Pourquoi n'avez-vous pas fait de déclaration à Tracfin ?" (service du ministère de l'Economie pour lutter contre les opérations financières illégales, NDLR), demande ainsi l'avocat à l'un des experts."Les parties civiles veulent comprendre.Elles savent très bien qu'elles ne retrouveront pas un centime de ce qu'il les a escroquées."

L'expert comptable reconnaît avoir été "surpris" que M. Raynaud injecte autant de fonds dans une société qui ne décollait pas, mais que cet argent venait de fonds personnels comme ça peut être le cas pour d'autres "start-ups".

Faute d'obtenir des réponses sur l'origine de ces fonds, il a cependant préféré mettre fin à leur collaboration, prévenant l'expert-comptable qui lui succédera de l'existence de "points de vigilance".

Aujourd'hui assistant familial, Laurent Raynaud dit gagner environ 1.000 euros par mois.Il demande au tribunal de lui "permettre de travailler pour rembourser".

L'audience doit d'achever jeudi soir.

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