Face au revirement américain, Macron relance le débat sur une dissuasion européenne
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Paris (AFP) - Devant le spectaculaire rapprochement des États-Unis de Donald Trump avec la Russie, Emmanuel Macron a relancé le débat sur l'idée très sensible d'un parapluie nucléaire européen, qui divise la classe politique et que l'extrême droite conteste déjà.
Le président français, à la tête d'une des deux puissances nucléaires en Europe avec le Royaume-uni, s'est dit prêt à "ouvrir la discussion" sur une dissuasion nucléaire européenne après l'affrontement verbal entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump vendredi à Washington, qui laisse craindre un désengagement des Etats-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens.
Emmanuel Macron répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz qui a jugé nécessaire que l'Europe se prépare "au pire scénario" d'une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire.
Mais pour la leader du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, les États-Unis restent "évidemment" un allié de la France au sein de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique nord), cette alliance militaire entre pays européens, États-unis et Canada.Ceux qui disent le contraire "ne sont pas des gens raisonnables", a-t-elle affirmé.
La dissuasion nucléaire de la France doit rester "française" et "on ne doit pas la partager", a-t-elle estimé samedi, en minimisant la portée des échanges très tendus entre le président américain et son homologue ukrainien, la veille dans le bureau ovale."C'est assez normal", a-t-elle estimé parce que "le chemin de la paix est un chemin qui est difficile".
- "Servilité atlantiste" -
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu lui a répondu sur X que la dissuasion nucléaire "restera" française "de la conception et la production de nos armes, jusqu'à leur mise en œuvre sur décision du président de la République", mais qu'en même temps "nos intérêts vitaux comportent une +dimension européenne+".
"Donc oui: nous devons répondre aux questions de nos partenaires européens sur ce qu'est notre dissuasion, sur ce qu'elle peut signifier pour eux, et ce qu'elle restera", a-t-il expliqué, en appelant à traiter ce sujet avec "rigueur".
Sans se prononcer directement sur la dissuasion nucléaire, le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a estimé qu'il fallait "faire obstacle" à "l’Europe de la défense".
Pour lui, les Européens ont reçu avec cette altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky ce qu'ils méritaient.La "servilité atlantiste (des Européens) est payée par un mépris qui les laisse transis de peur".
Sans surprise, l'idée d'un partage de la dissuasion est soutenue par les plus pro-européens au sein de la classe politique.
"Les ennemis de l'Europe doivent savoir que nos partenaires, ceux qui partagent nos valeurs, bénéficient du parapluie nucléaire français", a estimé sur France Inter Valérie Hayer, ex-candidate du camp présidentiel aux élections européennes et actuelle présidente du groupe Renew (centristes) au Parlement européen.
- Intérêts vitaux -
"La France a un rôle immense à jouer parce qu'elle est la seule puissance dotée de l'arme nucléaire de l'Union européenne, parce qu'elle a une industrie de défense puissante", a abondé sur franceinfo l'eurodéputé social-démocrate Raphaël Glucksmann.
"Nous changeons d’époque", a souligné sur X l'ancien Premier ministre français Michel Barnier qui, sans évoquer le nucléaire, plaide pour un "aggiornamento stratégique" en Europe, avec par exemple la création d'un "conseil de sécurité européen".
Une quinzaine de dirigeants européens doivent se retrouver lors d'un sommet dimanche à Londres, auquel participera le président ukrainien, pour "faire avancer" leurs actions concernant l'Ukraine et la sécurité, et sans doute s'interroger sur leurs alliances.
Mais le scénario d'une dissuasion nucléaire européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l'autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.
Depuis son origine, la dissuasion française voulue par le général de Gaulle se veut complètement indépendante et repose sur l'appréciation par un seul homme, le président de la République, d'une menace contre les intérêts vitaux du pays.
En février 2020, Emmanuel Macron avait mis en avant "la dimension authentiquement européenne" des intérêts vitaux français, non sans susciter des débats.
Vendredi il a en même temps relevé que "sa doctrine nucléaire garde un certain mystère parce que l'ambiguïté fait partie de son efficacité".La France ne va donc pas dire par avance où elle pourrait frapper, "c'est le choix du chef des armées", c'est-à-dire du président, a-t-il ajouté.