Harkis privés de sépulture: la ministre Miralles lundi à Rivesaltes

Toulouse (AFP) - La ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, Patricia Miralles, est attendue lundi au mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), où elle doit notamment rencontrer les familles des 60 harkis morts dans ce camp dont les corps n'ont jamais été retrouvés.
Elle doit également y recevoir un rapport sur des fouilles archéologiques qui y ont été menées pour tenter de retrouver ces dépouilles.
Dès lundi matin, les familles déposeront une gerbe de fleurs devant la stèle aux disparus, avant de se rendre sur les lieux des fouilles, puis d'être reçues en fin de matinée par la ministre qui "leur communiquera les dernières avancées relatives à ce dossier", selon ses services.
Au coeur de leurs interrogations: le devenir de quatre caisses d'ossements retrouvées début avril dans un ossuaire du cimetière Saint-Saturnin de Rivesaltes et qui auraient depuis été envoyées dans un laboratoire de Marseille pour effectuer une datation au carbone 14, selon Ali Amrane, un représentant des familles.
"Il y a des questions sans réponse à ce jour", a expliqué à l'AFP M. Amrane."A qui appartiennent ces ossements ? Combien y en a-t-il ? Est-ce que ça correspond au nombre d'enfants disparus ?"
Près de 22.000 harkis (le nom donné aux auxiliaires algériens de l'armée française) et membres de leurs familles sont passés par le camp Joffre, situé non loin de Perpignan, après l'indépendance de l'Algérie, entre 1962 et 1965.Au moins 146, dont 101 enfants, sont décédés sur place ou à l'hôpital de Perpignan.
- "Beaucoup de bébés" -
"Un peu plus de la moitié (des 22.000 réfugiés) étaient des enfants, forcément plus fragiles, dont beaucoup de bébés", a précisé à l'AFP l'historienne Fatima Besnaci-Lancou, elle-même passée par le camp de Rivesaltes entre l'âge de huit et neuf ans et membre du Conseil scientifique du mémorial.
"Beaucoup sont morts, surtout à l'hiver 1962-1963, parce que les familles étaient sous des tentes (...) sans chauffage, sans beaucoup d'hygiène, confrontées à la rareté de l'eau, etc.", a-t-elle ajouté.
Les corps de 60 d'entre eux, dont 52 bébés, n'ont jamais été retrouvés.A l'automne 2024, des tombes ont été découvertes sur le périmètre du camp lors de fouilles réclamées par les familles, mais une fois ouvertes, les sépultures se sont révélées vides.
Puis les familles ont appris avec stupéfaction, le 21 février lors de la précédente visite de Mme Miralles, que les dépouilles avaient en fait été déplacées en septembre 1986.
Le maire de Rivesaltes André Bascou, en poste depuis 1983 mais qui disait jusqu'ici ne plus se souvenir, a indiqué ce jour-là avoir retrouvé dans les archives municipales la trace du transfert des ossements au cimetière communal Saint-Saturnin.
- Plainte contre X -
"Qui a pris la responsabilité d'exhumer les corps ?", s'est encore demandé Ali Amrane.L'armée, qui contrôlait encore le terrain où se trouvaient les sépultures ? Ou bien le maire, censé selon M. Amrane être au courant de tout transfert dans son cimetière ?
Patricia Miralles se verra par ailleurs remettre les conclusions des fouilles par le président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), Dominique Garcia.
Les familles "seront entourées" tout au long de cette journée, précise Mme Besnaci-Lancou."Un repas chaud leur sera servi, elles seront entendues, écoutées, il y aura des échanges (...) parce qu'on est quand même face à des douleurs non éteintes, ravivées", poursuit-elle.
Et une fois que l'âge des ossements retrouvés dans l'ossuaire sera connu, "l'étape d'après sera la saisie du procureur de la République pour effectuer des tests ADN, et une plainte contre X", selon Ali Amrane.