Impassible, Le Scouarnec évoque en détail sa "pédophilie" qui a "tout envahi"

Vannes (AFP) - Pressé de questions par la cour criminelle du Morbihan qui le juge depuis le 24 février pour des violences sexuelles sur 299 patients, souvent mineurs, Joël Le Scouarnec a égrainé mardi sans ciller les facettes de sa sexualité, marquée par une pédophilie méticuleusement organisée et décrite dans les milliers de pages de ses carnets.
Âgé de 74 ans, le médecin cachait des revues pédopornographiques, des clichés de lui-même nu "dans des positions suggestives" et des disques durs remplis de photos pédopornographiques en haut d'une armoire, raconte-t-il dans la salle du tribunal de Vannes.
D'une voix impassible, jamais troublée par l'émotion, l'accusé décrit une organisation bien rodée: il écrit "quotidiennement dans (son) journal intime", met en gras le mot "éjaculer" puis rapporte dans un fichier excel le nombre de ses éjaculations mensuelles.
Dans les milliers de pages de ce que la cour appelle "les carnets", Joël Le Scouarnec a décrit in extenso les viols et agressions sexuelles infligés à quelque 300 victimes, dont de nombreux patients dans des hôpitaux de l'ouest de 1989 à 2014, mais consigné aussi le "journal intime" de sa sexualité.
"J'ai écrit des atrocités sans pour autant les penser", affirme-t-il, évoquant une "surenchère du fantasme"."Plus c'était ignoble, sordide, plus je m'y complaisais."
"Ca a tout envahi (...) J'étais dans la transgression en permanence, je ne m'interdisais rien."
Pédophile, sadique, masochiste, exhibitionniste, scatophile, zoophile...La présidente Aude Buresi lit un extrait du carnet de 2004 où le médecin énumérait ses paraphilies puis concluait "et j'en suis heureux".
Elle évoque aussi ses poupées, dont certaines "avaient la taille d'un enfant de cinq ans", selon Joël Le Scouarnec."Vous avez pleuré lorsqu'elles ont été détruites" après la perquisition de 2017 ?, demande Mme Buresi."Non.J'ai regardé Véronique (l'une d'elles) et je lui ai dit +maintenant, c'est fini+."
Celui qui s'autoproclamait "le plus grand pervers du monde" buvait son urine, préparait des gâteaux avec son sperme, subtilisait les culottes sales de petites filles, essayait de se faire pénétrer par son chien...
Et répond à la cour sans ciller depuis son box, couronne de cheveux blancs sur crâne chauve, veste à zip entrouverte.
- Sans "aucun état d'âme" -
Mardi matin, il a martelé être à la fois "le bon chirurgien et le pervers qui n'avait aucun état d'âme". "Ce sont deux choses qui se juxtaposent (mais) cette activité pédophile n'a pas eu de retentissement sur mon activité professionnelle", a-t-il dit.
"J'ai été ce chirurgien qui a profité de son statut pour abuser d'enfants", consent-il.
De même, lundi, Joël Le Scouarnec avait affirmé être à la fois un bon père et un "pédophile" qui fantasmait sur ses trois fils.
"Nous avons vu au moins trois facettes de lui: le pédocriminel, mais également le père et également aussi le chirurgien", a résumé Me Maxime Tessier, l'un de ses avocats.
- "La dignité de l'enfant" -
Le médecin a promis lundi d'"assumer" ses actes."Si j'ai commis un viol, je dirai: +J'ai commis un viol+."
Mais s'il a déjà admis avoir violé des garçons, l'ex-chirurgien réfute avoir commis des viols sur des fillettes, affirmant que les actes en question, souvent des touchers rectaux ou vaginaux, qu'il décrit dans son carnet sont des fantasmes ou des actes médicaux.
Ce dernier point a été balayé par trois experts de chirurgie viscérale pédiatrique, qui ont mis en lumière par leurs réponses les violences médicales commises par le praticien, insistant sur le "respect de la dignité de l'enfant".
Pour la première fois depuis le début du procès le 24 février, une dizaine de victimes ont pu entrer dans la salle du tribunal, au lieu de suivre les débats dans la salle de retransmission mise en place en raison de leur grand nombre.
"Mon souhait (est) d'avoir devant moi quelqu'un qui exprime sa souffrance et qui me fait prendre conscience des souffrances qu'il a subies", a dit en matinée l'accusé, dont les victimes avaient en moyenne 11 ans au moment des faits.
Mais parmi les parties civiles, beaucoup mettent en cause sa sincérité, comme Me Marie Grimaud, qui estime que le médecin cherche à se poser "en victime de lui-même (...), un acte extrêmement pervers."