logo AFP France

Impassible, Le Scouarnec évoque sa "pédophilie" et sa "transgression" permanente

Impassible, Le Scouarnec évoque sa "pédophilie" et sa "transgression" permanente
Publié le , mis à jour le

Vannes (AFP) - Pressé de questions par la cour criminelle du Morbihan qui le juge pour des violences sexuelles sur 299 patients, souvent mineurs, Joël Le Scouarnec a détaillé sans ciller une sexualité où la "transgression" permanente allait de pair avec une pédophilie méticuleusement organisée et décrite dans les milliers de pages de ses carnets.

Âgé de 74 ans, le médecin cachait des revues pédopornographiques, des clichés de lui-même nu "dans des positions suggestives" et des disques durs remplis de photos pédopornographiques en haut d'une armoire, raconte-t-il dans la salle du tribunal de Vannes.

D'une voix impassible, jamais troublée par l'émotion, l'accusé décrit une organisation bien rodée: il écrit "quotidiennement dans (son) journal intime", met en gras le mot "éjaculer" puis rapporte dans un fichier excel le nombre de ses éjaculations mensuelles.

Dans les milliers de pages de ce que la cour appelle "les carnets", Joël Le Scouarnec a décrit in extenso les viols et agressions sexuelles infligés à quelque 300 victimes, dont de nombreux patients dans des hôpitaux de l'ouest de 1989 à 2014, mais consigné aussi le "journal intime" de sa sexualité.

"J'ai écrit des atrocités sans pour autant les penser", affirme-t-il, évoquant une "surenchère du fantasme"."Plus c'était ignoble, sordide, plus je m'y complaisais." "Ca a tout envahi (...) J'étais dans la transgression en permanence, je ne m'interdisais rien."

Pédophile, sadique, masochiste, exhibitionniste, scatophile, zoophile...La présidente Aude Buresi lit un extrait du carnet de 2004 où le médecin énumérait ses paraphilies puis concluait "et j'en suis heureux".

Elle évoque aussi ses poupées, dont certaines "avaient la taille d'un enfant de cinq ans", selon Joël Le Scouarnec."Vous avez pleuré lorsqu'elles ont été détruites" après la perquisition à la suite de son arrestation en 2017?", demande Mme Buresi."Non.J'ai regardé Véronique (l'une d'elles) et je lui ai dit +maintenant, c'est fini+."

- "Plongée dans l'horreur" -

Celui qui s'autoproclamait "le plus grand pervers du monde" buvait son urine, préparait des gâteaux avec son sperme, subtilisait les culottes sales de petites filles, essayait de se faire pénétrer par son chien...

Et répond à la cour sans flancher depuis son box, couronne de cheveux blancs sur crâne chauve, veste à zip entrouverte.

"J'ai l'impression d'être plongée dans l'horreur.Et depuis le départ, on a l'impression que ça ne s'arrête jamais, que c'est de plus en plus profond et abyssal tout ce qu'on apprend", a déploré Amélie Lévêque, 43 ans, victime de l'ex-chirurgien à l'âge de 9 ans.

"L'ampleur de cette affaire, elle est bien plus grande que ce qu'on voit aujourd'hui", selon elle.

Mardi matin, il a martelé être à la fois "le bon chirurgien et le pervers qui n'avait aucun état d'âme". "Ce sont deux choses qui se juxtaposent (mais) cette activité pédophile n'a pas eu de retentissement sur mon activité professionnelle", a-t-il dit.

"J'ai été ce chirurgien qui a profité de son statut pour abuser d'enfants", consent-il.

Et pour arriver à ses fins, l'ex-chirurgien a avoué "provoquer des opportunités" à l'hôpital.

"Je faisais la visite avec une infirmière et quand elle avait regagné son poste, si j'avais vu qu'un enfant était seul dans sa chambre, j'y retournais", a-t-il affirmé.

Il a ensuite indiqué avoir sédaté "une seule fois" une victime, qui ne fait pas partie des 299 victimes pour lesquelles il est jugé à Vannes depuis le 24 février.

L'ex-chirurgien a indiqué avoir utilisé un "produit anesthésiant".Ses propos ont été actés par procès verbal et pourront servir à une procédure ultérieure.

- "Au conditionnel" -

Le médecin a promis lundi d'"assumer" ses actes."Si j'ai commis un viol, je dirai: +J'ai commis un viol+."

Mais l'ancien médecin maintient que ses journaux intimes comportent une part de fantasme, des passages écrits "au conditionnel".Ce qui était "au présent" pouvait relever d’actes "purement médicaux mais que je fantasmais ou des actes que j’ai accomplis réellement et que je reconnaitrai", a-t-il poursuivi.

Comment faire la différence ? "La seule personne qui peut vous donner les explications, c’est moi", répond l’accusé, la présidente répliquant qu'il gardait ainsi "le pouvoir".

C'était une "journée intense", a déclaré Me Maxime Tessier, louant la "sincérité d'un homme" qui a jugé ses actes et ses écrits d'"abject, gigantesque gâchis, horreur, atrocité, cruauté".

Il a rappelé "l'engagement (de son client) de dire la vérité (...) de reconnaître la souffrance qu'il a infligée aux victimes, chacune de manière individuelle."

"On a effectivement Joël Le Scouarnec qui parle au présent et donc au conditionnel, qui reconnaît des viols" sur des fillettes, a salué Me Francesca Satta, avocate de plusieurs parties civiles.

L'interrogatoire de l'accusé doit se poursuivre mercredi à 13H, avant l'audition de ses anciens associés.

Publicité

Accessibilité : partiellement conforme