Le texte intégrant le non-consentement à la définition pénale du viol arrive dans l'hémicycle

Paris (AFP) - Faut-il inscrire la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol?Les débats qui agitent juristes et associations féministes arrivent mardi dans l'hémicycle, où les députés sont chargés d'étudier un texte à la portée symbolique forte.
La mesure ne fait pas consensus: pour les uns, elle est nécessaire pour lutter contre "l'impunité".Pour les autres, elle est inutile voire contre-productive.
Ses opposants craignent qu'inclure le non-consentement à la définition pénale du viol conduise à centrer l'enquête sur l'attitude de la victime.Ses défenseurs le contestent, arguant que cette modification permettrait d'inclure des situations mal couvertes aujourd'hui, comme l'état de sidération.
Tout en envoyant un signal fort, quelques mois après le procès des viols de Mazan.
"Je pense que la société est prête", dit à l'AFP l'écologiste Marie-Charlotte Garin, co-rapporteure du texte."Quand on parle aux gens dans la rue, ils ne comprennent même pas qu'on n'ait pas le consentement inscrit dans la loi."
La proposition de loi transpartisane, également portée par la députée macroniste Véronique Riotton, est issue d'une mission d'information parlementaire de plusieurs mois.
Le texte a été adopté en commission sans vote contre, mais avec des abstentions, notamment du Rassemblement national.
Le groupe socialiste, divisé, pourrait opter pour une liberté de vote mardi, lors de l'examen en première lecture dans l'hémicycle.
- "Libre et éclairé" -
La proposition de loi redéfinit l'article du code pénal portant sur l'ensemble des agressions sexuelles, dont le viol.
Elle propose de les redéfinir comme "tout acte sexuel non consenti".Le texte précise ce qu'est ou n'est pas le consentement, afin d'aiguiller les enquêteurs et les juges.
"Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable.Il est apprécié au regard des circonstances environnantes", propose d'établir le texte."Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime", ajoute-t-il.
Des formulations validées par le Conseil d'Etat, et reprises par les deux co-rapporteures, qui ont modifié leur texte à l'occasion de l'examen en commission.
Enfin, le texte précise qu'"il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise", quatre modalités déjà présentes dans le code pénal, qui sont conservées.
- "Pas d'unanimité" -
Dans son avis rendu début mars, le Conseil d'Etat a estimé que "le principal apport de la proposition de loi" serait de "consolider (...) les avancées de la jurisprudence".
Cette dernière, fait-il remarquer, considère déjà le défaut de consentement "comme un élément clé", et fait entrer les situations d'emprise ou de sidération dans les termes de surprise ou de contrainte.
Mais "les chiffres d'impunité qu'on a aujourd'hui démontrent bien que cette jurisprudence n'est pas suffisante", fait valoir Mme Riotton.
Selon l'Observatoire de la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof), en 2023, pour sept personnes sur dix mises en cause pour violences sexuelles, l'affaire a été classée sans suite.
La députée PS Céline Thiébault-Martinez estime toutefois que "personne ne peut dire que cette proposition de loi aura l'effet attendu, à savoir une meilleure reconnaissance des victimes".
"Il n'y a pas d'unanimité", chez les associations féministes, les magistrats ou les avocats, contrairement aux demandes de moyens, pointe-t-elle auprès de l'AFP.
La socialiste redoute que l'initiative ne "pénalise encore plus les victimes, qui vont se retrouver face à des policiers ou des gendarmes qui les interrogerons d'abord et avant tout sur leur consentement".
Un argument balayé par Mme Garin, pour qui l'introduction du consentement dans la loi "n'a jamais" mis la victime "au cœur des audiences", dans les pays qui l'ont fait, citant l'Espagne, la Suède ou le Danemark.
Selon le Conseil d'Etat, l'inscription du non-consentement "n'a pas pour conséquence de caractériser l'infraction du seul fait du comportement de la victime".Il reviendra aux enquêteurs et juges de démontrer "la conscience chez le mis en cause d'avoir agi à l'encontre ou en l'absence" de consentement, explique-t-il.
Avant ce texte, une proposition de résolution non-contraignante visant "à mettre fin à la culpabilisation des victimes de violences physiques et sexuelles" sera soumise aux députés, invitant notamment le gouvernement "à réaffirmer l'obligation d'enregistrer l'intégralité des plaintes".