Législatives: pour Macron, la déroute évitée, la suite à inventer

Paris (AFP) - Avec sa coalition arrivée en deuxième position devant le Rassemblement national, Emmanuel Macron a évité la déroute qui s'annonçait après la dissolution de l'Assemblée, mais la suite reste à inventer, avec une gauche qui revendique de gouverner, une droite qui refuse l'alliance et des troupes profondément divisées.
Selon les instituts de sondage, la coalition "Ensemble pour la République" composée du parti présidentiel Renaissance, du MoDem, d'Horizons, du Parti radical et de l'UDI recueille de 150 à 180 députés.Les partis d'Emmanuel Macron, François Bayrou et Édouard Philippe conservent leurs groupes à l'Assemblée.Et surprise majeure: les macronistes terminent devant le RN, victime de l'efficacité retrouvée du "front républicain".
La vague de désistements engagée avec la gauche --82 candidats de la majorité se sont retirés quand ils étaient en position défavorable avec un risque de victoire du RN dans leur circonscription-- a permis au camp présidentiel de largement limiter la casse.Dans l'entre-deux-tours, plusieurs études d'instituts de sondages leur accordaient moins de 100 députés, contre 250 dans l'Assemblée sortante, et 350 lors de l'accession d'Emmanuel Macron au pouvoir en 2017.
Le chef de l’État, qui subit le désamour de ses propres troupes depuis sa dissolution solitaire du 9 juin, a évité le pire.Mais ces législatives n'en constituent pas moins un tournant dans sa présidence, qualifiée de "verticale" tant par ses opposants que par ses partisans.
Lui qui expliquait, peu avant sa réélection en 2022, que la France n'avait "pas un régime parlementaire" va devoir composer avec des adversaires, sans lesquels aucune majorité, même relative, n'est possible.
"On passe forcément dans une lecture plus parlementaire du régime, telle qu’on l'a connue en cohabitation", résume Anne Levade, professeure de droit public à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Un soulagement certain parcourait le camp présidentiel dimanche soir."Le bloc central est bien vivant", souligne dimanche soir l'entourage du chef de l’État, incitant cependant à la "prudence" quant à l'analyse des résultats.
Un long chemin parcouru depuis la dissolution.Le président "a confiance et il n'y va pas pour une petite majorité", expliquait-on de même source quelques jours après cette décision prise au soir de la lourde défaite enregistrée aux élections européennes.
Mais contrairement aux plans élyséens, la gauche ne s'est pas divisée: elle est même repartie unie pour ces élections législatives, sous la bannière du Nouveau Front populaire.Et le discours élyséen évolua au fur et à mesure de la campagne éclair.
"L’esprit de coalition, il l’a toujours poussé, dès février 2017 dans un meeting.Il le redit en juin 2022, il le fait régulièrement pendant le mandat" mais "jamais les forces politiques ont voulu y venir", expliquait vendredi ce même entourage présidentiel.
Quelle suite à ce scrutin qui ne dégage aucune majorité absolue au Palais Bourbon ? "La question est qui pour gouverner désormais et atteindre la majorité", fait-on valoir à l’Élysée peu après 20h00.
--Attal tourné vers l'avenir--
Les macronistes vont-ils se tourner vers la gauche, qui a d'ores et déjà revendiqué la tête du gouvernement et qu'ils n'ont cessé d'attaquer pendant les campagnes européenne et du premier tour des législatives ?
Le Nouveau Front populaire "est loin de la majorité absolue", a fait valoir François Bayrou.
Le camp présidentiel présentera des "conditions préalables à toute discussion" en vue d'une majorité, a prévenu dimanche le patron de Renaissance Stéphane Séjourné, citant la laïcité, la construction européenne et le soutien à l'Ukraine, et concluant que "Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de ses alliés ne peuvent gouverner la France".
De son côté, Édouard Philippe a lui aussi appelé les forces politiques à "favoriser la création d'un accord" sans le Rassemblement national ni la France insoumise.
"La décision de dissoudre l'Assemblée nationale, qui devait être un moment de clarification, a au contraire conduit à une grande indétermination", a ajouté l'ancien Premier ministre, dont les relations avec M. Macron sont notoirement détériorées et qui prépare déjà activement la prochaine présidentielle.
L'appoint des Républicains (LR) --55 à 75 sièges-- semble insuffisant pour atteindre la majorité absolue.De plus, Laurent Wauquiez, qui fait son retour à l'Assemblée, a fermé la porte dès dimanche soir: "pour nous, il n’y aura ni coalition ni compromission".
En interne également, le camp Macron peut s'attendre à de grands chambardements.Alors que la cote d'Emmanuel Macron a baissé, celle de Gabriel Attal n'a cessé d'augmenter.
"Cette dissolution, je ne l'ai pas choisie, mais j'ai refusé de la subir", a souligné dimanche soir M. Attal, qui remettra lundi sa démission au président, tout en se tenant prêt à rester en poste en vue des JO.
De nombreuses sources prêtent déjà au chef du gouvernement de prendre la tête du groupe Renaissance à l'Assemblée.Une concurrence s'annonce également avec Gérald Darmanin.Réélu dans le Nord, le ministre de l'Intérieur a dit son désir de peser, et a évoqué dès dimanche soir une "alliance politique" avec la droite.Sur fond de possible rapprochement avec Horizons, le parti d’Édouard Philippe.