L'heure du jugement pour le commissaire qui a ordonné la charge d'une "gilet jaune"

Lyon (AFP) - Sera-t-il condamné pour les blessures endurées par une "gilet jaune" septuagénaire ? La justice se prononce vendredi dans le dossier d'un commissaire accusé d'avoir ordonné la charge qui avait fait chuter Geneviève Legay à Nice en 2019.
Six mois de prison avec sursis ont été requis contre le commissaire Rabah Souchi, à l'issue du procès qui s'est tenu les 11 et 12 janvier devant le tribunal correctionnel de Lyon.Le jugement est attendu en début d'après-midi.
Le 23 mars 2019 à Nice, Geneviève Legay, alors porte-parole départementale d'Attac âgée de 73 ans, avait pris part à une manifestation interdite de "gilets jaunes".Renversée dans une charge policière, elle a souffert de multiples fractures et d'un traumatisme crânien.
Dans son réquisitoire, le procureur Alain Grellet a estimé que l'ordre de charger les manifestants avait été donné "de manière ni nécessaire, ni proportionnelle, ni conforme à la réglementation".
Le procès a mis en lumière une charge lancée dans un temps très court après les sommations d'usage, ce qui, selon l'accusation, n'a pas laissé le temps aux manifestants de se disperser, ni aux policiers de se préparer correctement.
"L'ordre donné est totalement légal", a au contraire argumenté l'avocat de la défense Me Laurent-Franck Liénard, qui a demandé la relaxe de son client.
Genevière Legay, qui ne sera pas présente à Lyon pour le délibéré, a témoigné à la barre d'une journée qui l'a laissée "vraiment diminuée".
Elle avait "voulu faire un dernier tour de drapeau et dire +liberté de manifester+", +", estimant que rien ne pouvait lui arriver, drapeau pour la paix en mains, a-t-elle raconté.
A l'époque, les images de la septuagénaire inanimée au sol avaient fait couler beaucoup d'encre, d'autant que les autorités sont soupçonnées d'avoir cherché à étouffer l'affaire, le procureur de Nice ayant, dans un premier temps, nié tout contact entre la militante et les forces de l'ordre, une thèse reprise à l'Elysée par Emmanuel Macron.
- "Tactique" -
Poursuivi pour "complicité de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique", Rabah Souchi a assuré que la décision de charger était "la tactique la plus efficace ce jour-là" afin de répondre à l'objectif de dispersion fixé par le préfet.
L'action se justifiait, selon lui, par la présence des manifestants sur des voies de tram et leur refus de partir alors que la manifestation était interdite.
Il a également insisté sur le rôle du policier qui a bousculé Mme Legay, estimant que cet agent s'était "détaché de l'action collective".
Ce dernier n'a pas été poursuivi, ce qui a donné lieu a des échanges poussés sur cette situation juridique au cours des différentes plaidoiries et réquisitions.
Pour Me Liénard, M. Souchi ne peut pas être poursuivi "pour un acte commis par un autre fonctionnaire", estimant en outre que les faits ne répondaient pas "aux critères de la loi en matière de complicité".
Les avocats de Mme Legay, et ses soutiens, souhaitent eux obtenir une décision qui fasse jurisprudence en matière de violences policières. Me Arié Alimi a, dans sa plaidoirie, demandé au tribunal d'"apporter des points de référence".
Début février, Rabah Souchi, 54 ans, a été nommé directeur adjoint de la police municipale de Nice.Il est donc désormais détaché de la police nationale.