Martinique: toujours des violences malgré le couvre-feu

Fort-de-France (AFP) - Barricades enflammées, magasins brûlés ou pillés et "voyous à moto": la situation restait tendue vendredi en Martinique, malgré l'instauration d'un couvre-feu nocturne, sur fond de protestation contre la vie chère.
Toute la nuit, les forces de l'ordre ont tenté de contenir les émeutiers qui ont érigé des dizaines de barrages à travers l'île française des Antilles.
Selon une source préfectorale, 32 interpellations ont été effectuées et 12 blessés légers sont à relever parmi les forces de l'ordre.Quelque 150 véhicules ont brûlé dont ceux d'une société de location et 14 locaux commerciaux ont été incendiés, soit un bilan légèrement moindre que la nuit précédente.
Coeur des affrontements, les quelques kilomètres d'autoroute séparant Le Lamentin de Fort-de-France, sur lesquels "une soixantaine de voyous à moto ont fait l'essuie-glace", poursuit cette source.
C'est sur cette route que sont mortes sur le coup jeudi soir deux personnes à moto qui circulaient sans casque à contresens et qui ont percuté une voiture.
La Martinique est en proie depuis septembre à une mobilisation contre la vie chère initiée par un mouvement baptisé Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), qui a dégénéré avec des violences urbaines.
Celles-ci semblent avoir passé un cap depuis la nuit de mercredi à jeudi, avec de nombreux épisodes de pillages et d'actes de vandalisme qui se sont poursuivis dans la nuit de jeudi à vendredi en dépit d'un couvre-feu de 21H00 à 05H00.
Au Carbet (nord), l'unique pharmacie du village a brûlé."Il ne reste plus rien.J'ai tout perdu", a réagi auprès de l'AFP son propriétaire, Willy Hilaricus, se désolant que "cela crée un problème d'accès aux soins pour la population" de ce village relativement isolé.
- Aéroport rouvert -
L'aéroport de Fort-de-France, lui, a rouvert vendredi matin avec l'atterrissage d'un premier vol en provenance de République dominicaine peu après 10H00 locales (16H00 à Paris), après avoir dû fermer la veille, en raison de l'intrusion sur les pistes d'une centaine de manifestants.
Huit personnes ont été arrêtées à la suite de cet envahissement, a appris l'AFP de source policière.L'intrusion, sur fond de rumeur de renforts policiers démentie par la préfecture, a provoqué le déroutement vers la Guadeloupe de trois avions et plus de 1.000 passagers.
Ces passagers devaient repartir en Martinique dans le courant de l'après-midi, a indiqué la préfecture de Guadeloupe dans un communiqué.Une partie d'entre eux a passé la nuit sur des lits de camp dans un gymnase du coeur de Pointe-à-Pitre transformé en centre d'hébergement, a constaté une journaliste de l'AFP.
Dans un communiqué, l'association des maires de Martinique et celle des maires de France ont appelé "au calme et au dialogue (...) face à l'escalade des violences urbaines".
La préfecture de Martinique a également annoncé jusqu'à lundi l'interdiction des manifestations et des rassemblements. Déjà fermées jeudi, les écoles sont restées closes vendredi "compte tenu de l'incertitude du contexte social actuel", selon le rectorat.
Le CHU de la Martinique a annoncé jeudi le déclenchement d'un plan blanc et les pharmacies de l'île ont déclaré "ne plus être en mesure d'assurer les services d'urgence".
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un homme de 20 ans est mort en marge du pillage d'un centre commercial, a annoncé la préfecture, et un autre, âgé de 30 ans, a été "grièvement blessé par balle", selon une source policière.
Le mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les outre-mer, a été lancé début septembre par le RPPRAC, qui exige un alignement des prix des produits alimentaires sur l'Hexagone, affichés 40% plus chers en Martinique.
Plusieurs tables rondes réunissant les services de l'Etat, les collectivités locales, les acteurs économiques et le RPPRAC ont été organisées, sans débouchés positifs jusque-là.
La prochaine est prévue vendredi à 15H00 (21H00 à Paris).La précédente, jeudi, s'est achevée sans accord mais avec des avancées, selon la radio locale RCI qui estime que les négociations butent sur deux points: le nombre de produits concernés par une baisse de prix et le plafond pour contenir l'écart avec les prix de l'Hexagone.
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