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Pédocriminel et "bon chirurgien": Le Scouarnec revendique ses deux visages

Pédocriminel et "bon chirurgien": Le Scouarnec revendique ses deux visages
Publié le , mis à jour le

Vannes (AFP) - Joël Le Scouarnec, accusé de violences sexuelles sur 299 patients souvent mineurs, a martelé mardi être à la fois "le bon chirurgien et le pervers qui n'avait aucun état d'âme", désirant montrer la "juxtaposition" de ses deux visages à la cour criminelle du Morbihan à Vannes.

"Mon activité pédophile était une chose et mon activité professionnelle en était une autre, et cette activité pédophile n'a pas eu de retentissement sur mon activité professionnelle", affirme-t-il, debout dans son box.

"Pour certaines personnes, c'est incompréhensible (...) Comment peut-on être chirurgien et aussi en même temps commettre des actes d'agression sur certains de ses patients?", résume-t-il avant de répondre: "ce sont deux choses qui se juxtaposent."

"J'ai été ce chirurgien qui a profité de son statut pour abuser d'enfants", consent-il d'une voix toujours égale devant la cour qui l'interroge sur son parcours professionnel.Il admet aussi regarder des images pédopornographiques à la pause-déjeuner dans son bureau, ce qui a pu avoir des "conséquences néfastes" sur sa pratique.

De même, lundi, Joël Le Scouarnec a affirmé être à la fois un bon père et un "pédophile".S'il avoue avoir "fantasmé" sur ses trois fils, il ne reconnaît aucun geste incestueux à leur égard - contrairement à trois nièces victimes.

La cour, puis les avocats des parties civiles, l'interrogent aussi sur son "départ précipité", de son propre aveu, de la clinique de Loches (Indre-et-Loire), où il a exercé de 1983 à 1994.

A-t-il voulu fuir parce qu'il était soupçonné d'y avoir agressé sexuellement des enfants ? Il nie fermement, évoquant un conflit avec un associé.

"Ils ont pensé que j'étais quelqu'un de bien et j'étais celui qui les a trahis", déclare-t-il en évoquant ses anciens collègues de la quinzaine d'hôpitaux de l'ouest de la France où il a violé ou agressé sexuellement des patients entre 1989 et 2014.

"Nous avons vu au moins trois facettes de lui: le pédocriminel, mais également le père et également aussi le chirurgien", a résumé Me Maxime Tessier, l'un de ses avocats.

- "La dignité de l'enfant" -

"Je suis entièrement responsable de ce que j'ai fait", a réaffirmé mardi le médecin après avoir promis la veille d'"assumer" ses actes."Si j'ai commis un viol, je dirai: +J'ai commis un viol+", a-t-il dit.

S'il a déjà admis avoir violé par pénétration digitale rectale des garçons, l'ex-chirurgien réfute avoir commis des viols digitaux et vaginaux sur des fillettes, affirmant que les actes en question décrits dans son carnet sont des fantasmes ou qu'il s'agissait d'actes médicaux.

A la barre, trois experts de la chirurgie viscérale pédiatrique ont balayé ce dernier point de la défense du médecin.

"Le toucher vaginal n'apporte aucune indication pour retrouver une douleur abdominale ou péritonéale", notamment après une appendicite, notent-ils.

S'il faut le faire, "dans des circonstances très exceptionnelles", les chirurgiens ont recours à "un spéculum pédiatrique" qui est indolore."Tout examen invasif (...) doit être discuté en amont avec les parents de l'enfant, et l'enfant lui-même."

Ces trois experts ont insisté sur le fait que les examens médicaux devaient "respecter la dignité de l'enfant".

En fin après-midi, l'accusé sera interrogé plus précisément sur ses carnets, des centaines de pages où il a décrit méticuleusement pendant des décennies les violences sexuelles commises sur les enfants de son entourage, ainsi que sur ses patients.

Ces journaux intimes, saisis en 2017 après son interpellation, ont permis aux enquêteurs de retrouver la trace de quelque 300 victimes de viols ou agressions sexuelles, âgées en moyenne de 11 ans au moment des faits.

- "Mémoire sélective" -

L'accusé "est quelqu'un qui a avancé, qui a mis des mots sur ses actes, qui a une position qui a fortement évolué", a affirmé lundi Me Thibaut Kurzawa, l'un de ses avocats.

"Aucune évolution", a rétorqué Me Marie Grimaud, avocate de 39 parties civiles, estimant que par ses propos l'ex-médecin cherchait à se poser "en victime de lui-même", ce qui constitue selon elle "un acte extrêmement pervers."

Lundi, la cour a interrogé l'accusé sur un éventuel traumatisme dans son enfance.Mais Joël Le Scouarnec affirme n'avoir "rien trouvé" dans son "passé" qui pourrait "expliquer (son) comportement" pédocriminel.

Confronté mardi encore à ses "trous de mémoire" alors que ses proches l'ont tous décrit comme doté d'une "mémoire d'éléphant", le médecin a invoqué une "mémoire sélective".

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