Royaume-Uni: la justice allège en appel les peines les plus lourdes contre des écologistes emprisonnés

Londres (AFP) - Six militants écologistes de l'organisation Just Stop Oil, lourdement condamnés pour avoir notamment planifié une action coup-de-poing, ont vu leurs peines de prison ferme allégées vendredi en appel par la justice britannique, qui a en revanche confirmé celles de dix autres activistes.
Parmi les six qui passeront finalement moins de temps derrière les barreaux, cinq militants avaient été condamnés en juillet 2024 entre quatre à cinq ans d'emprisonnement, des peines qui avaient choqué ONG et militants écologistes.
Ils avaient planifié, lors d'une réunion en ligne, une action de blocage de l'autoroute M25 autour de Londres.Parmi eux figure le fondateur de Just Stop Oil, Roger Hallam, qui a vu sa peine réduite de cinq à quatre ans de prison par la Cour d'appel.
Il s'agissait des peines "les plus élevées de leur genre dans l'histoire moderne du Royaume-Uni", avait affirmé l'un de leurs avocats, Danny Friedman, lors de l'audience fin janvier.Au total, les 16 militants avaient tous été condamnés en première instance à des peines comprises entre 15 mois et cinq ans de prison ferme.
Dès le début de l'annonce de la décision, une vingtaine de militants se sont levés des bancs de la salle d'audience en silence, et ont tourné le dos à la juge, Sue Carr, plus haute magistrate d'Angleterre et du Pays de Galles, vêtus de tee-shirt "Corruption au tribunal".
L'avocate de l'organisation Friends of the Earth Katie de Kauwe, associée à ce recours, a salué après le jugement une "évolution positive pour le mouvement climat dans son ensemble, et pour tous les mouvements pacifiques qui réclament des comptes au gouvernement".
"Nous saluons le principe de l'arrêt d'aujourd'hui selon lequel la condamnation pour une manifestation pacifique doit tenir compte des motivations de l'accusé et des protections offertes par la Convention européenne des droits de l'homme", a-t-elle ajouté.
Gaie Delap, militante de 78 ans condamnée à 20 mois de prison pour avoir escaladé les portiques de l'autoroute M25, a elle vu sa peine réduite à 18 mois.
Cette femme à la santé fragile, victime d'un AVC en juillet, avait déjà été autorisée à sortir de prison fin janvier après 43 jours, pour être assignée à résidence avec un bracelet électronique.
- "Sans précédent" -
Phoebe Plummer et Anna Holland, respectivement condamnées à deux ans et 20 mois de prison pour avoir jeté une conserve de soupe sur les "Tournesols" de Van Gogh - protégés derrière une vitre - à la National Gallery, ont elles vu leur requête rejetée.
C'est aussi le cas des quatre militants qui avaient escaladé les portiques de l'autoroute M25 avec des bannières Just Stop Oil, et de quatre autres qui avaient occupé pendant 13 jours un tunnel sous une route dans l'Essex, pour dénoncer l'impact de l'industrie des énergies fossiles.
Le parquet britannique avait défendu la sévérité des peines infligées en première instance, estimant que les membres de Just Stop Oil avaient "dépassé les limites du raisonnable", et soulignant le caractère "dangereux" de leurs actions.
"En dépit des modestes réductions accordées, ces peines restent sans précédent et n'ont pas leur place dans une démocratie qui défend le droit de manifester", a regretté vendredi Areeba Hamid, co-directrice exécutive de Greenpeace UK, organisation également associée au recours des militants.
Cet arrêt de la Cour d'appel aura, selon les ONG, "des répercussions considérables sur l'avenir des manifestations pacifiques", et sur le sort des activistes qui attendent leur jugement.
C'est le cas des membres de Just Stop Oil accusés d'avoir "endommagé" les monolithes protégés de Stonehenge, dans le sud de l'Angleterre, en les aspergeant de peinture, ou d'avoir dégradé la tombe de Charles Darwin dans l'abbaye de Westminster.
Cette organisation britannique est connue pour ses actions aussi spectaculaires que critiquées dans des musées, lors de compétitions sportives ou de spectacles.Elle exhorte le gouvernement à cesser l'exploitation des énergies fossiles d'ici à 2030.
Ces dernières années, ONG et militants ont dénoncé un recul de la liberté de manifester au Royaume-Uni, et une répression grandissante des militants écologistes.
En 2022 et 2023, les précédents gouvernements conservateurs ont voté une série de lois pour dissuader et punir plus sévèrement les actions coup de poing des militants écologistes.