Présidence LR: Wauquiez met Retailleau sous pression sur sa présence au gouvernement

Paris (AFP) - Le patron des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, a mis dimanche sous pression son concurrent à la présidence du parti Bruno Retailleau, l'obligeant à assumer des désaccords avec des positions gouvernementales sur la proportionnelle ou encore la possible suppression d'un abattement fiscal pour les retraités.
Chassé-croisé sur BFMTV dimanche des deux rivaux pour la tête des LR qui, faute de débattre face à face, se sont répondus par média interposé.
Alors que M. Retailleau est donné favori de l'élection du 17 mai - "je ne le sens pas mal", a-t-il admis dimanche - M. Wauquiez a sonné la charge contre son concurrent.Un exercice délicat, avec l'écueil d'offrir le spectacle d'un parti déchiré.
Le patron des députés LR, qui a clamé dimanche "je vais gagner", a creusé un de ses sillons favoris: le manque supposé "d'indépendance" du pensionnaire de Beauvau, qui serait tenu par la solidarité gouvernementale, quand lui nourrirait "une parole libre".
Exemple avec l'instauration de la proportionnelle aux législatives - une idée défendue de longue date par François Bayrou qui entame lundi des consultations sur le sujet, mais historiquement combattue par la droite.
"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment et qui deviendra la règle.La proportionnelle, c'est les régimes partisans, ce sont les petits accords d'arrière-boutique.C'est les Français qui ne choisissent plus leurs candidats.Je déteste ça", a tonné M. Wauquiez.
"Ce que je demande donc, c'est que Bruno Retailleau, dont c'est la compétence, s'oppose à cette volonté de François Bayrou" et "impose au Premier ministre" d'abandonner l'idée de légiférer dessus, a-t-il poursuivi.
Même coup de boutoir sur un autre sujet: la suppression de l'abattement fiscal de 10% pour certains retraités évoquée par Bercy.M. Wauquiez est "radicalement contre".
"Mais on est complètement fou ! Enfin, les propositions qui sont en train de sortir de Bercy sont la tête à l'envers", s'est-il indigné.Et de mettre en garde: il est prêt à initier un "débat" sur la participation au gouvernement de son parti, si le prochain budget comprenait des augmentations d'impôts.
- Haro sur les Frères musulmans -
Sur le même plateau quelques heures plus tard, M. Retailleau a donc dû jouer les équilibristes.Invoquant notamment sa "discipline": "Aucune petite phrase donc je ne rétorquerai pas" à Laurent Wauquiez.
Le ministre de l'Intérieur a toutefois bien dû admettre son opposition à la proportionnelle, qui "provoquerait une instabilité chronique structurelle"."Ca fera du mal au pays et pour moi, c'est rédhibitoire", a-t-il lancé, promettant de répéter sa position à François Bayrou...sans esquisser de porte de sortie s'il n'était pas entendu.
Quant à toucher à l'abattement des retraités, "il faut faire autrement", a-t-il dit, refusant toute "augmentation d'impôts".De là à quitter le gouvernement ?
"Vous me connaissez, je suis un homme de convictions.Jamais je ne resterais si mes convictions étaient abîmées, simplement", a-t-il répondu, renvoyant la question à plus tard.
Après avoir monté le volume sur la fermeté de ses sorties - il a récemment suggéré d'expédier les personnes sous le coup d'une obligation de quitter le territoire à Saint-Pierre-et-Miquelon - M. Wauquiez s'est de nouveau invité sur le terrain de son rival en lui demandant, cette fois, de classer le mouvement des Frères musulmans comme organisation terroriste.Une décision urgente selon lui - "nous n'avons que trop tardé" - qui "doit s'accompagner de l'interdiction des organisations qui sont affiliées" à ce mouvement promouvant l'instauration d'un islam politique conservateur.
Une façon d'enchérir aussi pour M. Wauquiez alors que M. Retailleau doit rendre public dans quelques jours un rapport qu'il qualifie d'"accablant", sur "les Frères musulmans et leur entrisme".
"On ne peut pas interdire les Frères musulmans en tant que tel" mais "on peut (le faire) dans la manifestation de leur organisation", a répondu le ministre de l'Intérieur, évoquant des écoles, associations, etc.
"Nous n'hésiterons pas dès lors qu'on aura ces preuves à dissoudre", a-t-il poursuivi."Il y a des règles de droit.Moi je suis ministre de l'Intérieur et je dois les respecter."