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Avec Trump, un vent morose souffle sur Washington et ses habitants

Avec Trump, un vent morose souffle sur Washington et ses habitants
Publié le , mis à jour le

Washington (AFP) - Dans l'atmosphère feutrée d'un studio de yoga, Jennifer Nikolaeff inspire, expire.Cette fonctionnaire américaine récemment limogée est venue "partager un moment de calme" lors d'une séance gratuite réservée aux habitants de Washington, capitale chamboulée par le retour de Donald Trump.

"On est beaucoup à rechercher un emploi, c'est juste une manière de nous rassembler", dit-elle.Quand son employeur, l'Agence américaine pour le développement, l'a licenciée, "le monde s'est comme arrêté de tourner" -- et de nombreux habitants interrogés par l'AFP partagent ce sentiment.

En deux mois de coupes claires dans l'Etat fédéral, le président républicain a fait souffler un vent de morosité sur une ville intimement liée à la puissance publique, où des milliers d'emplois sont menacés.

Sur les 700.000 habitants de Washington, 70.000 sont des fonctionnaires fédéraux, et plus de 110.000 autres résident en banlieue.

Dans l'incertitude actuelle, beaucoup de ces fonctionnaires ou contractuels, passionnés de politique et plutôt de gauche, regardent, souvent abattus, la transformation de leur ville et de leur pays opérée à toute vitesse par Donald Trump.

Jennifer Nikolaeff, 53 ans, a appris son éviction de l'USAID autour de la Saint-Valentin, le 14 février.Depuis, "j'ai l'impression de passer, chaque jour, par toutes les phases de deuil, de la tristesse au sentiment de perte, à la colère", raconte-t-elle à l'AFP.

- "Anxiété" - 

Dans la capitale, en février, trois fois plus de personnes se sont inscrites au chômage que l'an passé à la même période.Cette vague de licenciements, dans une ville qui a voté à 90% pour la démocrate Kamala Harris à la présidentielle, n'a pas provoqué de grande manifestation.

"Tout le monde a vu son énergie aspirée", glisse Nick McFarland, serveur dans un bar de Washington.

Le sujet est pourtant sur toutes les lèvres.Il y a ceux qui ont été licenciés, et ceux qui s'attendent à recevoir le courriel fatidique.Il y a ceux qui sont obligés de retourner au ministère après des années de télétravail, et ceux qui ont interdiction de se rendre dans leur bureau.Il y a ceux qui cherchent déjà un nouvel emploi, et ceux qui se battent devant les tribunaux pour garder le leur.

Le quotidien Washington Post -autre institution de la capitale dans la tourmente- écrit que "Washington ne dort plus".

Elana Woolf le constate dans son cabinet de psychologie."Nous voyons beaucoup de monde avec davantage d'anxiété, de dépression", analyse-t-elle."On sent vraiment le changement d'atmosphère."

Par solidarité, des commerces font des petits gestes pour ces fonctionnaires et contractuels évincés: vétérinaire à prix cassés, "happy hour" spécifique dans un bar, ou encore atelier pour refaire son CV.

"Des gens très qualifiés inondent le marché" de l'emploi, constate déjà Seth Commichaux, rencontré par l'AFP lors d'une petite manifestation d'employés mis à la porte."Quand je postule à une offre, ce n'est pas rare qu'il y ait un millier de candidatures en quelques jours."

- "Punis" -

Sur le marché de l'immobilier, les chiffres disponibles ne révèlent pas un exode des habitants.

Mais "il y a beaucoup d'incertitude, les gens sont complétement choqués par l'actualité" et "beaucoup ont gelé" leurs projets, relève Sarah Brown, une agente immobilière qui a financé la séance de yoga pour habitants licenciés.

La municipalité anticipe, elle, une chute de ses recettes d'environ un milliard de dollars "sur les quatre à cinq prochaines années en raison de ces licenciements", explique à l'AFP Brianne Nadeau, une élue locale démocrate.

Autre signe d'un changement d'ère à Washington, la fresque aux couleurs du mouvement antiraciste "Black Lives Matter" est depuis plusieurs jours effacée de l'avenue située face à la Maison Blanche.

Le retrait de cette inscription, emblématique de l'opposition de la ville à Donald Trump lors de son premier mandat, a été décidé par la maire de gauche Muriel Bowser face à la pression budgétaire exercée par des élus républicains du Congrès.

Car cette ville créée de toutes pièces après la guerre d'indépendance américaine pour abriter les institutions fédérales est toujours assujettie au contrôle du Parlement.

"On partage un sentiment d'impuissance", souligne Kristine Erickson, la propriétaire du studio de yoga."A Washington, nous sommes surtout des démocrates, et on a l'impression d'être punis."

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