Comment des enfants placés peuvent-ils atterrir dans des familles d’accueil maltraitantes ?

Depuis le lundi 14 octobre 2024, dix-neuf individus comparaissent devant la justice, suspectés d'avoir hébergé illégalement des mineurs et de les avoir maltraités. Quelles seront les conséquences de leurs actions présumées ?
Tl;dr
- 19 personnes sont jugées pour maltraitance d’enfants mineurs en accueil.
- Plusieurs familles d’accueil ont fonctionné sans agrément nécessaire.
- Un dysfonctionnement de l’Aide sociale à l’enfance est souligné.
Un procès hors norme s’ouvre à Châteauroux
Depuis le lundi 14 octobre 2024, l’attention de la France est rivée sur le palais de justice de Châteauroux. Ce jour marque l’ouverture d’un procès hors norme où 19 personnes sont jugées pour avoir accueilli des mineurs sans agrément et les avoir maltraités.
Un système défaillant découvert
De 2010 à 2017, des dizaines d’enfants ont été confiés à une structure d’accueil par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord. Le hic ? Cette structure, située dans l’Indre, ne disposait pas de l’agrément nécessaire. Cela soulève des questions importantes :
- Comment ces familles ont-elles pu se voir confier ces jeunes ?
- Qui décide du placement des jeunes en famille d’accueil ?
En France, le placement en famille d’accueil peut être décidé soit par le département, soit par le juge des enfants (JDE). Cette décision est souvent le résultat d’un danger de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, et de privations ou négligences graves. Une fois le placement effectué, le jeune est sous la responsabilité de l’ASE.
Le contrôle des familles d’accueil
Les familles qui souhaitent accueillir des jeunes doivent détenir un agrément des services départementaux, valable cinq ans. Cet agrément est obtenu après enquête sur leur « projet de vie familiale » et le respect de conditions d’accueil garantissant « sécurité », « santé » et « épanouissement » aux enfants. «Des contrôles sont effectués dès lors qu’un signalement est transmis ou lorsque des difficultés sont repérées», explique Florence Dabin, Vice-présidente de l’Association des départements de France (DF) en charge de l’enfance.
Une faille dans le système
Cependant, l’agrément n’est pas toujours une garantie de sécurité. En effet, certaines familles jugées avaient déjà travaillé avec l’ASE. Elles avaient disposé d’un agrément par le passé, qui avait pourtant été retiré, après des condamnations pour agressions sexuelles sur mineurs. Ces familles ont alors accueilli des jeunes grâce à un agrément « jeunesse et sport », qui n’autorise en théorie que l’accueil de courte durée. Elles les ont ensuite gardés plus longtemps, parfois plusieurs mois, prétextant que l’ASE « leur demandait de les garder ».
Cette affaire souligne un dysfonctionnement de l’ASE. Tandis que le nombre de jeunes confiés à l’ASE a crû de moitié en 20 ans, le système semble être en manque de place. Pour Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Convention nationale des acteurs de la protection de l’enfance (Cnape), cela conduit à un « court-termisme », avec pour résultat des « enfants ballottés ».