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De la scène et des bretzels: des étrangers se mettent à l'alsacien

De la scène et des bretzels: des étrangers se mettent à l'alsacien
Publié le , mis à jour le

Strasbourg (AFP) - Ils sont Libanais, Palestinien, Mexicain, Américain ou Japonais et apprennent l'alsacien: à Strasbourg, des étrangers se lancent dans l'apprentissage du dialecte local, par curiosité ou pour une meilleure intégration dans une région très attachée à ses traditions. 

A Schiltigheim, en banlieue strasbourgeoise, c'est toute une troupe de comédiens, dont un Libanais et un Palestinien, qui s'est mise à l'idiome local, d'abord pour le plaisir et finalement pour monter sur les planches, dans une adaptation en dialecte de la comédie "Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu" (en alsacien: "Was han m'r em liewe gott gemacht").

"La meilleure façon de s'intégrer, c'est la langue" de la région où on vit, explique Bashar Badwan, 23 ans, un Gazaoui qui incarne le rôle d'Abderazak Ben Assem, le mari d'Isabelle Verneuil. 

C'est "Au coin des kneckes" (des gosses) qu'il a appris ses premiers mots d'alsacien, tout comme Christ Fadel, étudiant libanais de 25 ans, qui joue le rôle du juif dans la pièce. 

Une fois par semaine, Sabine Lapp dispense des cours dans ce coin de café, tout près du quartier historique de la Petite France, entre bières et bretzels.

- Les Japonais en tête -

L'intérêt de publics plus jeunes et extérieurs à la région s'exprime aussi à l'université de Strasbourg où le dialecte régional figure au programme des langues optionnelles. 

Parmi eux, deux profils type se dégagent, selon Pascale Erhart, responsable du département de dialectologie alsacienne et mosellane. 

"Il y a ceux qui ont grandi en Alsace, à qui l'alsacien n'a pas été transmis et qui veulent le parler, et ceux venant soit d'autres régions, soit d'autres pays, qui s'intéressent à la langue locale", explique-t-elle. 

Parmi les nationalités les plus attirées, les Japonais arrivent en tête, suivis par les étudiants sud-américains, selon Mme Erhart. 

Disuke Sakumoto, 25 ans, étudiant en phonétique à l'université de Kyoto, s'est ainsi lancé il y a sept ans, comme un retour aux sources après avoir passé une partie de son enfance dans la région.

"Indirectement, je soutiens ceux qui essaient de préserver l'alsacien", explique-t-il à l'AFP.Il a d'ailleurs collaboré avec un écrivain local, Edgar Zeidler, pour traduire un recueil de haïkus (poèmes japonais) écrits en alsacien, en allemand et en français, vers le japonais. 

- L'alsacien sauvé par les étrangers?-

Selon une étude réalisée par la collectivité européenne d'Alsace auprès de 4.001 personnes, 46% des sondés se déclaraient dialectophones en Alsace en 2022, soit 15 points de moins qu'il y a 20 ans selon une autre étude. 

Et d'année en année, la transmission intergénérationnelle s'érode un peu plus. 

"Est ce que l'alsacien va être sauvé par les Mexicains ou les Brésiliens ou les Japonais?", sourit Mme Erhart, avec une pointe d'amertume. 

Pendant des siècles, l'alsacien a été la langue de transmission principale.

C'est après la Deuxième Guerre mondiale que "la politique de francisation a été acceptée en Alsace", l'alsacien, dialecte germanique, entrant dans la politique de "dégermanisation" d'une région historiquement ballotée entre la France et l'Allemagne.

Quant à la politique d'enseignement de l'alsacien à l'école, Mme Erhart estime qu'elle existe à peine, citant une expérience pilote d'enseignement "immersif" menée dans six classes de maternelle depuis 2023.Elle regrette que dans les discours officiels soit entretenue une "ambiguïté tenace" entre le dialecte et l'allemand. 

Reste que pour toute une génération, l'alsacien demeure la langue maternelle, celle qui reste quand on a tout oublié.

Depuis qu'elle a lancé ses cours, Mme Lapp a vu défiler tous types de profils, y compris des professionnels en contact avec les personnes âgées, comme dans les métiers de l'aide à la personne ou du notariat.

"Dans les unités Alzheimer par exemple, la langue apprise (le français) est oubliée" et c'est alors l'alsacien qui reste, explique-t-elle. 

La collectivité européenne Alsace a désigné 2025 "année du bilinguisme" avec une série d'initiatives -dont une application pour apprendre l'alsacien- destinées à "renforcer l'identité linguistique de l'Alsace".

Son logo est une représentation d'une petite alsacienne portant une coiffe traditionnelle, aux couleurs des drapeaux français et allemands.

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