"Eminence!": au Vatican, les cardinaux sous le feu des projecteurs

Cité du Vatican (AFP) - "Eminence!Eminence!": devant la colonnade du Bernin, à quelques pas de la majestueuse place Saint-Pierre, des dizaines de journalistes se ruent pour tenter d'arracher quelques confidences aux cardinaux, qui s'enfermeront le 7 mai en conclave pour élire le prochain pape.
Chaque matin, environ 200 "princes de l'Eglise" se retrouvent dans la salle Paul VI au Vatican pour les "congrégations générales", des réunions à huis clos où ils débattent des priorités pour l'avenir de l'institution deux fois millénaire.
Une occasion d'apprendre à se connaître dans ce collège où 80% des 135 cardinaux électeurs, nommés par le pape François sont novices dans cet exercice.
Encerclés par une nuée de caméras, de smartphones, de perches et de micros, les hommes en soutane noire, repérés de loin grâce à leur ceinture et calotte pourpres, peinent à se frayer un chemin.
Car chacune de ces arrivées à pied provoque une ruée digne des campagnes présidentielles, sous l'oeil étonné des touristes.
En l'absence de point presse officiel, ces brèves apparitions sont l'un des rares moments permettant d'arracher un commentaire ou une bribe d'information sur le processus très confidentiel d'élection du prochain pape.
Certains prélats parviennent à esquiver les réponses, slalomant rapidement entre les micros qui se tendent, le regard fixé sur le sol pavé. En quelques secondes, l'Italien Pierbattista Pizzaballa, présenté parmi les favoris, sort furtivement d'un bâtiment en rasant les murs pour atteindre au plus vite la place Saint-Pierre, où les interviews sont interdites.
D'autres manient l'humour pour botter en touche: "Regardez le ciel, quel temps superbe ce matin".Les derniers, sourire crispé, avancent tout droit.
Quelques uns, plus rares, se prêtent à l'exercice et s'arrêtent à quelques mètres de la grille d'entrée, rapidement cernés par les reporters du monde entier.
"Il y a une atmosphère fraternelle et sincère, donc un esprit de responsabilité pour chercher quelqu'un qui continue le travail de François", glisse devant une dizaine de micros le cardinal irakien Louis Raphaël I Sako, patriarche de l'Eglise chaldéenne.
- "Deux ou trois jours" -
Estimant qu'il est impossible pour l'Eglise de revenir en arrière sur les réformes engagées par François, il mise sur un conclave "court, deux ou trois jours".
L'affluence est telle que certains, répondant tout en marchant, manquent de trébucher dans la cohue générale.
En ce mardi où les congrégations générales prennent leur rythme de croisière avant le début du conclave fixé au 7 mai, les mêmes questions reviennent: "Quelle est l'ambiance?" "Savez-vous pour qui vous allez voter?" "De quoi a besoin l'Eglise?" "Peut-on revenir en arrière?"
L'un des sujets porte sur la participation du cardinal italien Angelo Becciu, condamné fin 2023 par un tribunal du Vatican dans un vaste procès pour fraude financière, qui fait les gros titres de la presse italienne.
"Nous verrons, nous ne connaissons pas encore toute l'histoire", balaie le cardinal suédois Anders Arborelius.
Quelques minutes plus tard, le communiqué du cardinal Becciu tombe: "Ayant à cœur le bien de l'Église (...), j'ai décidé d'obéir, comme je l'ai toujours fait, à la volonté du pape François de ne pas entrer au conclave".
Lundi soir, lors d'une messe pour la mémoire du pape argentin sous les ors de la basilique Saint-Pierre, le cardinal italien Baldassare Reina a lancé un message clair.
"Ce ne peut être le temps des équilibrismes, des tactiques, des prudences, le moment de satisfaire l’instinct de revenir en arrière, ou pire, de revanches et d'alliances de pouvoir", a-t-il déclaré dans son homélie.
Dans cette communication parcimonieuse, le cardinal américain Timothy Dolan a lui choisi d'innover: depuis son arrivée à Rome pour les funérailles du pape François, il publie chaque jour sur X une vidéo pour raconter ce qui se passe derrière les murs du Vatican.