Jørgen Boassen, le "fils groenlandais" de Trump

Nuuk (AFP) - "C'est papa".Le doigt pointé vers un tableau montrant Donald Trump habillé en Inuit, Jørgen Boassen clame haut et fort son affiliation spirituelle au président américain même si celui-ci pourrait briser son rêve de voir le Groenland devenir un Etat indépendant.
Ces derniers mois, le carreleur de 50 ans s'est forgé une petite notoriété en se faisant le héraut du trumpisme dans une île qui cherche à rompre ses amarres avec la puissance tutélaire danoise, et où l'on goûte donc peu aux visées impérialistes de l'occupant de la Maison Blanche.
Cet engagement politique assumé, ostentatoire et pas forcément dénué de contradictions lui a valu d'être surnommé "le fils groenlandais de Trump" mais aussi des querelles sur les réseaux sociaux et, dit-il, des menaces de mort.
"L'homme parfait pour mon idéologie", confie Jørgen Boassen en évoquant son père spirituel lors d'un entretien avec l'AFP dans le Centre culturel de Nuuk, la capitale groenlandaise.
Son tee-shirt ne laisse aucune place au doute: drapeau américain sur la manche droite, slogan MAGA (Make America Great Again) sur la gauche, il est floqué d'une image de Trump, le poing vengeur, après une tentative d'assassinat lors d'un meeting électoral en 2024.
Et une autre inscription, toute en majuscules: American Badass ("Dur à cuir américain").
Se présentant comme un déçu d'Obama, Jørgen Boassen dit être tombé sous le charme de son successeur républicain, lors de son premier mandat de 2017 à 2021.
"Les Etats-Unis sont en guerre depuis que je suis né", explique-t-il."Dans l'histoire des Etats-Unis, c'était le premier président en 70 ans à ne pas avoir commencé de guerre.Ca m'a rendu fier et plus fidèle", dit-il, reprenant à son compte une assertion contestée.
Un engagement détonnant à un moment où Donald Trump éventait déjà l'idée de racheter l'île, s'attirant une fin de non-recevoir des autorités danoises et de la population groenlandaise.
"J'étais le seul supporter ici à Nuuk.Alors, les gens se moquaient de moi sur Facebook.C'était très difficile les premières années de convaincre les gens que c'est un homme bon", se souvient-il.
"Tout le monde riait de lui.Et de moi aussi".
- Art de la négociation -
Pendant la campagne électorale américaine l'an dernier, Jørgen Boassen a joint le geste à la parole en faisant du porte-à-porte dans l'Etat-clé de Pennsylvanie, bien que n'ayant pas le droit de vote aux Etats-Unis.
A tel point que "j'avais mal aux pieds", témoigne-t-il.
Reconnaissance de seulement deux genres, interdiction des athlètes transgenres dans les sports féminins, lutte contre l'immigration clandestine...Après quelques semaines de pouvoir trumpiste, le bilan est déjà positif, à ses yeux.
En janvier, il a contribué à organiser la visite au Groenland de son frère virtuel, Donald Trump Junior, 47 ans, avec qui il a pris des selfies.
Un passage express, officiellement d'ordre privé mais généralement perçu comme servant à appuyer les visées expansionnistes, de plus en plus insistantes, de la nouvelle administration américaine sur le territoire.
Après avoir --en vain-- agité la carotte d'un rachat du territoire de 57.000 habitants, Donald Trump semble aujourd'hui menacer avec un bâton, affirmant ne pas exclure la force.
Lors de son discours de politique générale, il s'est dit convaincu que les Etats-Unis finiraient par mettre la main sur cette île stratégique de l'Arctique "d'une manière ou d'une autre".
De quoi briser les illusions de Jørgen Boassen, ardent partisan, comme l'immense majorité de ses semblables, d'un Groenland indépendant?
Absolument pas, balaie l'intéressé qui y voit une simple tactique de négociation.
"Trump dit beaucoup de choses pour obtenir ce qu'il veut, pour essayer de trouver comment y parvenir.Vous savez, +l'art de la négociation+", explique-t-il."Il dit beaucoup de choses, beaucoup de grands mots alors qu'en réalité, il veut peut-être quelque chose" de plus limité.