Le destin tragique et secret d'une fondatrice des Femen retracé au cinéma

Paris (AFP) - Derrière le corps ultra-médiatisé des Femen, le visage d'une artiste sombrant dans la mélancolie: sept ans après son suicide à Paris, le film "Oxana", en salles mercredi, retrace l'histoire de l'une des fondatrices d'un mouvement qui a changé les luttes féministes.
Ce biopic, qui rend hommage au combat d'Oksana Chatchko, tente aussi d'en saisir toute la mélancolie.Il est réalisé par Charlène Favier, 40 ans, une cinéaste française dont le premier film, "Slalom", décrivait une relation d'emprise dans le milieu du ski.
Le destin d'Oksana se noue dès son enfance en Ukraine, où elle est formée à la peinture d'icônes orthodoxes.Très jeune, elle lance avec deux copines ce qui deviendra les Femen.
Ce groupe de militantes se fait connaître avec ses manifestations coup de poing, souvent seins nus, au début des années 2010 à Kiev.Le mode d'action de Femen, contre l'oppression politique et religieuse et pour la liberté des femmes, essaime dans le monde.
Oksana et ses amies, elles, connaissent la répression sans pitié après avoir manifesté en 2011 en Biélorussie, avant de se réfugier à Paris en 2013.C'est là que la jeune femme, ne se reconnaissant plus dans l'organisation, la quitte, continue son travail d'artiste peintre, puis met fin à ses jours en 2018.
Le film retrace cette trajectoire de météorite.Oksana et ses amies "sont allées contre leurs familles, contre leurs parents, elles ont quitté leur ville natale.Elles n'avaient pas d'argent, pas de nourriture.Oksana a donné toute sa vie aux Femen.C'est aussi pour ça que sa vie a été si courte", a déclaré à l'AFP l'actrice ukrainienne Albina Korzh, qui l'interprète.
Charlène Favier a choisi de tourner avec des actrices ukrainiennes ce film sur un mouvement qui s'opposait déjà, à l'époque, au président russe Vladimir Poutine.
En raison de la guerre, elle a dû tourner en Hongrie, et à Paris.
"Quand les Femen sont arrivées à Paris et qu'on les a vues pour la première fois, je pense que j'ai été comme tout le monde, mi-fascinée, mi-agacée", retrace-t-elle."Je n'ai pas vraiment compris, parce qu'on n'avait pas d'une explication claire sur pourquoi elles manifestaient comme ça".
"Oksana était incandescente, ambivalente, habitée, spirituelle, révolutionnaire...J'ai essayé de rentrer dans cette réalité hallucinée", poursuit-elle.
Oksana Chatchko, radicale et sans concession, était-elle minée par les rivalités internes aux Femen, dépassée par la médiatisation de figures du mouvement, marquée à vie par la répression ? Le film livre quelques pistes sur sa descente aux enfers.Mais laisse le spectateur trancher.