L'édito de ELLE : « Mâle appris » par Alix Girod de l'Ain
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L'édito de la semaine.
Jusqu'où le patriarcat est-il capable de se nicher ? Depuis l’avènement de la bombe #MeToo, on pensait l’avoir déconstruit dans tous les sens. Alors qu’en fait, tout un pan de la domination masculine était là, sous nos yeux, si gros qu’on ne l’avait même pas vu. Un éléphant dans la pièce – et cette métaphore n’est pas choisie au hasard : saviez-vous que l’ensemble des femelles animales, de la mouche drosophile à la lionne en passant par l’orque ou la hyène, sont victimes, depuis qu’on les étudie, de biais masculinistes ? La faute à qui ? Au grand Darwin, fier représentant de l’époque victorienne, persuadé qu’il en allait des animaux comme des humains de son temps : les « mâles » choisissent, les « femelles » subissent. Un livre réjouissant de la zoologiste Lucy Cooke, qui vient de sortir, dynamite tout cela. Sur cinq cents pages, elle décortique deux cents ans d’erreurs, voire de mauvaise foi crasse de chercheurs (que des bonshommes, jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle). C’est souvent à pleurer, mais on peut choisir d’en rire.
Ainsi, Mme Bonobo, si proche de nous génétiquement : pourquoi est-elle toujours prioritaire sur la nourriture, se sont demandé des scientifiques (hommes) en 2006 ? Réponse : « C’est parce que M. Bonobo est galant, en tout cas il cherche à se faire bien voir en prévision de futures copulations. » Eh bien non, c’est juste qu’elle est, comme les femelles...