L’édito de ELLE : Mazan, le grand procès de notre époque
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En prenant à témoin le monde entier des violences qu’elle a subies pendant des années, Gisèle Pelicot a fait plier le cours de l’Histoire. Le verdict des 51 coaccusés sera rendu le 20 décembre.
Et si elle avait déjà gagné ? Et si, après des semaines d’un procès nauséeux, et en attendant le verdict de la cour qui sera rendu au plus tard le 20 décembre, Gisèle Pelicot avait déjà réussi cet incroyable tour de force : reprendre la main sur le récit de sa vie et faire plier le cours de l’Histoire ? Imposer son regard et nous ouvrir les yeux ?
« On se souviendra de Madame Pelicot »
« Les femmes sont faites pour cacher leur vie »*, constatait l’historienne Michelle Perrot en 1998. Laissant derrière elles « un océan de silence, lié au partage inégal des traces, de la mémoire et, plus encore, de l’Histoire, ce récit qui, si longtemps, a “oublié” les femmes, comme si […] elles étaient hors du temps, du moins hors événement ». À la fois victime et actrice de son combat, Gisèle Pelicot s’est affranchie de siècles de honte et d’oubli. Comment ? En exigeant qu’on puisse montrer les vidéos de ses viols à l’audience, justement. En ouvrant grand les portes de sa chambre, « cette boîte réelle et imaginaire, à la fois nid et nœud, tissu de secrets »**, toujours selon Michelle Perrot. Et en prenant à témoin le monde entier de ce qu’il s’y est déroulé : des nuits de viols par une horde d’hommes sous la férule...