L'Ordre des médecins: un gendarme professionnel régulièrement accusé de corporatisme
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Paris (AFP) - L'Ordre des médecins, mis en cause pour son attitude face au chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec, est chargé d'assurer la discipline dans la profession médicale, mais il est régulièrement accusé d'avoir une approche trop corporatiste et conservatrice.
Tous les médecins doivent être inscrits à un ordre départemental pour avoir le droit d'exercer la médecine, sous peine d'être accusé d’exercice illégal de la médecine.
Il revient aux ordres départementaux et à leurs instances, élues par les praticiens, de vérifier la qualification du médecin candidat à l’inscription.
Les ordres départementaux sont également chargés de veiller au respect de la déontologie médicale par les praticiens.
Ils sont ainsi chargés de recueillir les doléances et plaintes contre les médecins dans l’exercice de leur activité, et le cas échéant de présenter ces médecins devant une chambre disciplinaire régionale.
Celle-ci peut notamment prononcer des peines d’avertissement, de blâme ou d’interdiction d’exercice, temporaire ou définitive.Un appel est possible devant la chambre disciplinaire nationale.
Dans un rapport de 2019, la Cour des comptes a dénoncé "un manque de rigueur dans le traitement des plaintes" contre les médecins, et "une justice disciplinaire marquée par les dysfonctionnements".
En matière d'agressions sexuelles notamment, "les conseils départementaux prennent rarement l'initiative" de lancer une procédure disciplinaire, et "s'associent également peu aux plaintes des patients, sauf lorsque le médecin mis en cause reconnaît les faits", soulignele rapport.
Au procès du chirurgien pédocriminel Le Scouarnec, qui s'est ouvert lundi à Vannes, l'Ordre des médecins s'est porté partie civile au grand dam des assocations de défense des victimes, qui lui reprochent son inaction.
"Sur-représentation d'hommes âgés"
Selon la Cour, de 2014 à 2017, 150 plaintes ont été déposées auprès de l'Ordre pour des faits à caractère sexuels, soit à peu près 3,5% du total des plaintes.
De leur côté, les associations de patients relèvent que l'Ordre, lent à donner suite aux doléances de patients, peut être en revanche très prompt à poursuivre pour non-confraternité les médecins qui dénoncent les pratiques de leurs confrères.
La Cour des comptes avait étrillé l'Ordre sur de nombreux autres aspects, notant qu’il était marqué par "des problèmes de gouvernance", "de sérieuses défaillances de gestion".
"La sur-représentation d’hommes (91%) âgés et retraités (40%) au sein du Conseil national, ainsi que la longévité des mandats exercés, ne favorisent pas la prise de conscience d’un changement nécessaire", avait noté la Cour.
Depuis des mesures correctives ont été mises en œuvre.La parité homme-femme est progressivement mise en place dans les instances.L'Ordre national a par ailleurs resserré son contrôle sur les ordres départementaux, notamment en ce qui concerne le traitement des plaintes.
En 2024, la cotisation annuelle obligatoire pour un médecin actif était de 353 euros (101 euros pour un médecin retraité).Il y avait 322.973 médecins (actifs ou retraités) inscrits à l'Ordre, que préside depuis 2022 le docteur François Arnault, ancien ORL à Châtellerault.
La création de l'Ordre des médecins avait été envisagée avant guerre, mais c'est Vichy qui met en place en octobre 1940 un Conseil supérieur de l'Ordre, aux membres désignés par le gouvernement.
A la Libération, l'Ordre des médecins actuel est créé par une ordonnance du gouvernement provisoire.
Les ordres professionnels existent chez d'autres professions de soignants, comme les chirurgiens-dentistes, les kinésithérapeutes, les sage-femmes et les infirmiers et infirmières.