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Oscars: "Anora", une "lettre d'amour" aux quartiers excentriques des plages de Brooklyn

Oscars: "Anora", une "lettre d'amour" aux quartiers excentriques des plages de Brooklyn
Publié le , mis à jour le

Brighton Beach (États-Unis) (AFP) - Prenez le métro new-yorkais et serpentez jusqu'au bout de Brooklyn : au terminus, bienvenue à Brighton Beach, petite enclave post-soviétique au bord de l'océan Atlantique, qui donne toute sa saveur à "Anora", candidat aux Oscars après la Palme d'Or.

Restaurants bruyants d'Europe orientale et conduite à toute berzingue sous la carcasse rouillée du métro aérien, le film de Sean Baker plonge dans un New York éloigné des gratte-ciels impeccables de Manhattan ou des quartiers hipsters de Brooklyn.

Juste à côté de Brighton Beach, terre d'accueil des immigrants russes, ukrainiens et d'anciennes républiques soviétiques, voici la carnavalesque Coney Island, sa longue promenade en bois coincée entre l'océan et la fête foraine centenaire, où s'étalent les couleurs criardes des enseignes de hot-dogs et fruits de mer.

Ces lieux excentriques aux décors de cartes postales surannées servent de toile de fond à l'histoire du film : la recherche nocturne et chaotique du rejeton d'un oligarque russe fuyant les hommes de main de son père après son mariage éclair avec Anora, danseuse érotique et escorte dont il veut l'exclusivité.

- Pelmeni et caviar -

Anora, héroïne fragile de ce conte de fées cabossé vit dans une rue de maisons modestes dont les fenêtres ont l'air de trembler quand passe le métro.Les pelmeni, des ravioles de viande, et vareniky, des beignets salés et sucrés, s'affichent aux menus.On fait ses courses au supermarché Tashkent, du nom de la capitale d'Ouzbékistan.Et les plus avisés savent où aller pour trouver du caviar à un prix imbattable.

Sean Baker "voulait vraiment dévoiler ce microcosme d'un monde qui existe toujours...ce quartier de gens qui ont une culture et une langue à eux et qu'ils protègent", dans une ville "très gentrifiée", explique à l'AFP Ross Brodar, responsable des lieux de tournage du film.

"Vous pouvez prendre un bol de bortsch et vous vous sentez à Moscou (...) Je pense que c'est ce que tout le monde aime dans ce film", ajoute-t-il.

Mais Brighton Beach se mérite, on n'y gagne pas si facilement la confiance des habitants, raconte Ross Brodar.Il a travaillé avec un arrangeur russophone pour rencontrer les commerçants locaux et leur montrer que "je n'essayais pas d'exploiter une situation, mais d'apporter quelque chose".

"C'est une lettre d'amour à Brighton Beach", leur a-t-il répété.

L'apparition au casting d'une vedette du cinéma russe, Yura Borisov, a aussi aidé.Mais le tournage a parfois éprouvé la patience des locaux, d'autant que certaines scènes impliquaient de vrais habitants vaquant à leurs occupations.

Au "Tatiana Grill", restaurant incontournable de la promenade, la limite a failli être atteinte quand les prises de vues s'éternisaient. 

"Sortez d'ici, où je vais poignarder l'un d'entre vous", s'est entendu dire Ross Brodar. 

- "Authenticité" -

A la frontière entre Brighton Beach et Coney Island, la société de production du film, Neon, a érigé un panneau pour remercier les habitants.

Tout près de là se trouve "Williams", un magasin vieux de plus de 80 ans dont les vitrines aguichent les enfants avec barbe à papa et un carnaval de friandises. 

La confiserie apparaît dans "Anora", notamment dans une scène tendue où un molosse commence à la démolir à coups de batte de base-ball.

Billy O'Brien, visage rugueux mangé par son sourire, y joue le rôle du gérant.Dans la vraie vie, il travaille comme gardien de parking juste à côté et donne un coup de main au magasin. 

"Ils m'ont dit +tu veux jouer dans le film+, j'ai dit d'accord (...) Tout le monde s'est bien amusé", raconte-t-il.Il n'a pas encore vu le film et s'étonne qu'on lui demande: "Pourquoi voudrais-je me voir ? Je sais à quoi je ressemble". 

Le véritable gérant du magasin, Peter Agrapides, apprécie sa présence au casting, qui contribue à donner de "l'authenticité". 

"Billy est un habitant de Coney Island.Il a vécu ici toute sa vie.Il a travaillé sur les manèges", explique-t-il."Ils se sont concentrés sur le quartier, c'est bon pour Brooklyn". 

Il n'aurait pas pensé que sa boutique apparaîtrait dans un film qui a remporté la Palme d'Or et concourt aux Oscars. 

Ross Brodar a aussi été surpris par ce succès, même s'il savait que c'était un film "spécial"."Le casting était tellement unique, et c'était tellement drôle", ajoute-t-il. 

Et de donner la recette secrète: "Il y a eu beaucoup d'amour qui a été mis pour réaliser ce film." 

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