Pour le Vendredi Saint, Argenteuil lance l'ostension de sa "Tunique du Christ"

Argenteuil (AFP) - Ce Vendredi Saint a connu une ferveur toute particulière à Argenteuil (Val-d'Oise), quelque 2.500 catholiques d'Île-de-France ont marqué le jour de la mort de Jésus avec le lancement de l'ostension de la tunique qu'il aurait portée durant son chemin de croix.
La "Sainte Tunique du Christ" d'Argenteuil est une relique considérée par une partie des croyants comme le vêtement porté par Jésus juste avant sa crucifixion, bien que son authenticité reste disputée au sein même de l'Église.
Devant une assemblée de fidèles estimée par la préfecture à 2.500 personnes, l'évêque de Pontoise, Mgr Benoît Bertrand, a ouvert les portes de la basilique Saint-Denys au terme d'une procession de chemin de croix à travers la ville populaire de banlieue parisienne.
Dans le chœur, la tunique se présente aux croyants sur un mannequin installé dans un reliquaire vitré, qu'encadrent des chanoines de l'ordre du Saint-Sépulcre.
"C'est lors d'un vendredi que le Christ est mort sur le bois de la croix, il a souffert.Ces traces de sang sur la tunique me rappellent qu'on vit quasiment ce moment, 2.000 ans après", souffle à voix basse David Abell, un volontaire de 32 ans venu de Seine-et-Marne.
La relique aurait été donnée en l'an 800 par l'empereur Charlemagne à sa fille Théodrade, alors moniale au monastère d'Argenteuil.Elle fait sporadiquement l'objet de présentations aux fidèles, appelées "ostensions", depuis le XIIe siècle.
L'ostension de 1934 avait amené un million de croyants.La dernière ostension en date, en 2016, avait attiré 220.000 personnes.
Accoudé aux barrières devant la basilique, Michel Naro n'est pas croyant mais est tout de même venu assister à l'événement, comme en 2016, pour la valeur historique de l'objet exposé.
"La relique est un élément de la foi très matériel, lié au Moyen-Âge, qu'il est un peu surprenant de voir ressortir à notre époque.Mais c'est vrai qu'elle est très ancienne (...) C'est une pièce qui a traversé le temps", déclare à l'AFP cet habitant d'Argenteuil de 63 ans.
- Retour des reliques -
Quelque 400.000 personnes sont attendues jusqu'au 11 mai en pèlerinage à Argenteuil pour cette ostension, dont le dernier jour donnera lieu à une messe célébrée par le numéro deux du Vatican et bras droit du pape François, le cardinal Pietro Parolin.
Propriété de la ville d'Argenteuil, cette tunique inconsutile, c'est-à-dire tissée d'un seul tenant, sans coutures, se présente sous l'aspect de fragments épars fixés depuis l'ostension de 2016 sur une tunique marron en étamine de laine.Depuis le XIXe siècle, ils étaient présentés sur du satin blanc.
"La Sainte Tunique a une forme de tunique assez courte, qui n'est peut-être pas sa forme originelle.De très nombreux fragments ont été prélevés au cours des siècles, elle était peut-être plus longue à l'origine", détaille sa restauratrice, Claire Beugnot.
Quelque 200 policiers seront mobilisés en moyenne chaque jour dans le centre d'Argenteuil pour assurer la sécurité des pèlerins et des lieux.
Ce pèlerinage est une nouvelle illustration du retour de popularité des objets de dévotion qui étaient tombés en désuétude il y a quelques décennies.
"Il y a un regain de tout ce qui est dévotion populaire, qui avait plus ou moins été écarté dans les années 70, dans le sillage de Vatican II, qui avait favorisé l'émergence d'un catholicisme plus épuré", note Charles Mercier, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bordeaux.
Ce phénomène ne concerne pas uniquement les reliques mais s'étend aussi "à d'autres pratiques comme la récitation du chapelet ou du rosaire", explique ce spécialiste du catholicisme.
Employée de la fonction publique, Francine Lecoq a traversé l'Île-de-France pour venir assister au début de l'ostension de la tunique d'Argenteuil et ainsi vivre encore plus intensément sa foi.
"Au regard de tout ce qui se passe dans le monde, des difficultés que l'on rencontre, on a besoin quand même d'un refuge.La religion, ça peut être un bon refuge pour pouvoir se poser, méditer, chercher du positif et avancer au quotidien", explique cette pratiquante assidue de 56 ans.