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Poy Sang Long, un rite perpétué par l'ethnie Shan de Birmanie en Thaïlande

Poy Sang Long, un rite perpétué par l'ethnie Shan de Birmanie en Thaïlande
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Chiang Mai (Thaïlande) (AFP) - Des garçons défilent autour d'un temple avant de se faire raser la tête: cette cérémonie vieille de plusieurs siècles est propre aux Shan de Birmanie, dont des centaines de milliers ont trouvé refuge en Thaïlande au cours des décennies de dictature et de troubles qu'a connu leur pays.

Vêtus de robes chatoyantes, de bijoux et de coiffes florales, une quarantaine de garçons font trois fois le tour du temple Ku Tao de Chiang Mai (nord) sur les épaules de leurs proches, au rythme des gongs traditionnels.

Des moines leur ont au préalable rasé la tête, faisant tomber leurs touffes de cheveux sur des feuilles de lotus.

La procession attire des centaines de spectateurs, et de nombreux policiers assurent la sécurité.

"J'ai pris cette décision moi-même (...) Je suis heureux", a déclaré Donlaphat Lungta, neuf ans, dont les parents ont émigré de Birmanie.

Il est né en Thaïlande, où l'ethnie Shan est connue sous le nom de Tai Yai.

Ce rite de passage nommé "Poy Sang Long" ("ordonner les fils bien-aimés" en langue shan), est une cérémonie vibrante de trois jours pour ces garçons, avant qu'ils ne commencent une vie monastique pour une période de trois jours à un mois.

Ce rite de passage est censé apporter mérite et chance.

- "Evénement méritoire" -

"Les garçons qui participent à cette tradition sont considérés comme des étudiants de Bouddha.C'est un événement profondément méritoire", détaille à l'AFP Chaiya Kongcheun, président de l'Association pour l'éducation et la culture Tai Yai.

Leur tenue rappelle celle d'un prince historique de Birmanie, explique-t-il, tandis que le fait d'être porté sur les épaules de quelqu'un représente le pouvoir et un statut semi-divin.

Pour Nu Lungta, le père de Donlaphat, la cérémonie représente un investissement précieux dans l'avenir de son fils, des années après qu'il l'a lui-même vécue.

Cet homme de 40 ans, un livreur de légumes, a estimé ses dépenses pour la célébration à 150.000 bahts (environ 3.935 euros), nourriture et décorations comprises.

Une cinquantaine de membres de sa famille l'ont aidé à couvrir les coûts, précise-t-il en observant un moine raser la tête de son fils, avant d'expliquer qu'il aurait choisi de reporter la cérémonie s'il n'avait pas été financièrement possible de la célébrer comme il se doit.

"J'espère qu'il deviendra un homme bon et serviable, sans jamais profiter des autres", confie-t-il à l'AFP.

Chaque nuit, les garçons âgés de sept à 12 ans et leurs familles dorment dans des cabines adossées au temple, entourées de ballons colorés et d'ornements arc-en-ciel.

Avant l'aube, Donlaphat a enfilé plusieurs robes blanches scintillantes, et a été soulevé successivement sur les épaules de ses proches pour le cortège, tandis que ses parents marchaient à ses côtés.

- "Trouver la paix" -

L'instabilité politique et les décennies de conflits en Birmanie ont poussé de nombreux membres de l'ethnie Shan à chercher refuge dans la Thaïlande voisine, attirés par des similitudes culturelles et linguistiques.

"Le peuple Tai Yai a fui la guerre pour trouver la paix en Thaïlande", raconte Chaiya Kongcheun.

Il précise que le royaume a connu une augmentation de l'immigration Shan après le coup d'État militaire de 2021 et la guerre civile qui a suivi, l'Etat Shan en étant l'une des régions les plus touchées.

La cérémonie de Poy Sang Long a lieu en mars et avril à divers endroits du nord de la Thaïlande.La ville de Chiang Mai abrite l'une des plus grandes communautés Shan du pays.

Nu Lungta a déclaré se sentir pleinement intégré à la société thaïlandaise."Pour moi, la Thaïlande c'est chez moi (...) mon fils est né ici", affirme-t-il

Mais pour de nombreux Shan, le lien avec leur terre natale reste fort.

Mokam Lungkuna, une ouvrière du bâtiment de 35 ans qui a amené son fils de neuf ans, Thanwa, pour être ordonné, vit en Thaïlande depuis deux décennies.

"Mon coeur est dans l'Etat Shan", confie-t-elle à l'AFP, alors que résonnent les roulements de tambour au cours de la cérémonie.

"Cela restera toujours notre culture."

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