Un texte sur le logement social retiré juste avant son examen à l'Assemblée

Paris (AFP) - Face aux levées de boucliers, une proposition de loi visant à durcir les conditions de maintien dans un logement social a été retirée lundi par son rapporteur macroniste, juste avant le début de son examen dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale.
Vivement critiqué par la gauche et les professionnels du secteur, le texte "portant fin du maintien à vie dans le logement social" avait été déposé par l'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian (Ensemble pour la République, groupe macroniste).
Regrettant une motion de rejet prévue par la France insoumise -- qui en cas d'adoption aurait écarté le texte avant son examen -- son rapporteur, le député macroniste Stéphane Vojetta, a déclaré lundi sur X faire "le choix de la responsabilité" et retirer le texte "dans sa forme actuelle pour le redéposer dans les prochains jours, modifié et clarifié".
L'adoption de la motion de rejet "était une possibilité", a reconnu auprès de l'AFP M. Vojetta.Plutôt que de prendre le risque d'enterrer le texte, il préfère donc "le redéposer en incorporant les changements demandés par l'opposition et par le gouvernement".
Le texte proposait d'abaisser les seuils de revenu à partir desquels un bailleur social peut demander à un locataire de quitter un logement, ou lui réclamer un "sur-loyer" complémentaire.
L'accession à la propriété "d'un logement adapté aux besoins ou susceptible de générer des revenus permettant l'accès au parc privé" était aussi introduit comme motif de résiliation d'un bail.
Concrètement, "un salarié qui vit à Saint-Denis devra quitter son logement social à partir d'un salaire net de 3.800 euros par mois" pendant deux ans, contre 4.336 euros par mois actuellement, avait argumenté M. Vojetta lors de l'examen en commission des affaires économiques.
Concernés selon lui: 30.000 logements sociaux pouvant être libérés, alors que 2,7 millions de foyers étaient en attente fin 2024.
La gauche s'est réjouie du retrait annoncé par M. Vojetta.
"Très content que notre motion de rejet ait été si efficace que nous n'avons même pas eu à la présenter", a ironisé sur X le député LFI François Piquemal, qui devait la défendre.
Le texte était "trompeur et mensonger", au "contenu inefficace et même contre productif.Et donc ils se sont bien rendu compte que ça ne pouvait pas aller plus loin que le débat médiatique", a commenté auprès de l'AFP le député PS Iñaki Echaniz.
- Mixité sociale -
M. Vojetta avait pourtant expliqué vendredi vouloir "tendre la main" aux oppositions, "notamment à la gauche", et déposé plusieurs amendements en ce sens.
L'un d'eux visait à modifier le titre du texte évoquant un supposé "logement social à vie", et critiqué comme "fallacieux".
Un autre amendement proposait que l'obligation de résiliation du bail pour les locataires devenus propriétaires ne s'applique que dans les zones tendues - hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Un troisième proposait que ces quartiers prioritaires, moins favorisés, restent exemptés des sur-loyers afin d'y "préserver la mixité sociale".
Le Rassemblement national avait, lui, déposé des amendements visant à exclure les personnes de nationalité française du durcissement des conditions d'accès.
En commission la semaine dernière, des amendements supprimant les articles principaux de la proposition de loi avaient été adoptés.Mais la commission avait ensuite rejeté la copie vidée de sa substance, qui devait donc arriver dans sa version initiale dans l'hémicycle.
Les communistes avaient demandé son retrait, compte tenu de la "large majorité dégagée contre le texte".
"Nous voulons de la mixité sociale, pas des ghettos !" avait réagi la ministre chargée de la Ville Juliette Méadel, opposée à l'initiative.En réponse, Guillaume Kasbarian lui avait suggéré de démissionner.
La ministre chargée du Logement Valérie Létard avait elle déclaré que si l'objectif était "louable", il fallait "travailler à un texte équilibré".
L'Union sociale pour l'habitat, qui représente les bailleurs sociaux, avait critiqué une proposition de loi qui "ne ferait qu'amplifier les atteintes à la mixité sociale, principe fondateur du modèle français du logement social".
L'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) l'avait elle considérée comme "davantage une mesure de diversion médiatique qu'une tentative de répondre à la crise profonde".